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mardi 16 août 2005

Bolivie - Chili, aux pays des superlatifs (1/3)

Retour en Amérique du sud, cette fois-ci avec ma petite femme… Pourtant les troubles sociaux au mois d’avril 2005 entachent le tableau idyllique que nous nous faisons de la Bolivie, grand et haut pays, pauvre aussi mais qui dévoile à celui qui donne de sa personne, des richesses aussi inestimées qu’inattendues… Pays aux multiples superlatifs ; plus pauvre d’Amérique du Sud, plus haute capitale, plus haute ville du monde, plus grandes étendues plates, plus grandes réserves de sels … Un passage au Chili où nous parcourons le désert le plus aride du monde…


14/07/2005

22h30, départ avec ma petite femme pour La Paz, via San Paolo et Santa Cruz. Les feux d’artifice du 14 juillet nous accompagnent.

15/07/2005

05h00, heure locale, arrivée à Sao Paolo de nuit, l’avion a du retard, nous y patienterons cinq heures.  Nous quittons le Brésil, puis après une courte escale a Santa Cruz, les montagnes se dessinent, l’altiplano se devine, nous approchons de La Paz. Quelques bâtiments, des milliers de bâtiments sur l’altiplano et d’un coup, une faille, une rupture, une vallée immense qui déborde,  bienvenue à La Paz.  L’avion passe au dessus de ce canyon, surplombe cette immense ville qui est également la plus haute capitale du monde, entame un demi-tour et vient lécher les toits des derniers bâtiments. C’est extraordinaire !  Nous atterrissons dans  l’aéroport le plus haut du monde (4100 mètres d'altitude), les sacs arrivent, nous hélons un taxi direction centre ville. 4100 mètres, brutalement, sans adaptation préalable, l’organisme le ressent. C’est quelque peu hébétés que nous nous engageons dans cette immense vallée, nous découvrons petit à petit cette ville tentaculaire.





Nous arrivons à l’hôtel à 3700 mètres, sieste et réveil vaseux, migraineux…
Il faut boire de l’eau, beaucoup d’eau !

16/07/2005

Réveil 7h00, nous prenons le petit déjeuner avant d’aller tâter la température extérieure. Il est 8h00 du matin, nous nous dirigeons vers l’Église San Francisco. Il y a beaucoup de monde, ce tumulte si particulier, les odeurs fortes,  les sons, je retrouve avec émotion toute cette atmosphère que j’avais connu trois ans auparavant au Pérou. Certains gisent à même le sol, certains sont ivres, d’autres semblent drogués… Trop d’émotions pour ma petite puce. Nous nous engageons sur le Prado, l’artère centrale de La Paz. Nous arrivons en redescendant l’avenue, dans les quartiers chics, plus aérés.


Nous marchons une bonne heure, retournons à l’hôtel, dormons deux heures puis déjeunons. Dans l’après-midi, nous nous rendons en taxi dans les beaux quartiers, au siège de Terra Andina où Olivier, un français expatrié nous informe et nous conseille sur ce que nous allons voir. Nous avons réservé par son biais un 4x4 pour traverser le Sud Lipez jusqu’au Chili.  Nous déambulons par la suite 1h30 dans les marchés bruyants et colorés dans le quartier de la Callé Sagarnaga. Pommes de terres, oranges, viandes et même poissons gisent à même le sol, de grosses dames en jupes, arborent foulard coloré et chapeau melon, attendent le client en conversant.
Nous retournons à l’hôtel, réservons le bus pour Copacabana pour le lendemain, sur les bords du lac Titicaca, dînons et nous couchons.

17/07/2005

Lever 06h00, le bus vient nous chercher à 06h30, il arrivera à 07h30 ( heure Bolivienne…).  Anne Gaëlle a oublié ses lunettes dans la chambre, je demande au chauffeur de m’attendre une minute, il refuse, j’insiste, j’implore, je cours, remonte la calle Sagarnaga, monte les marches quatre à quatre, demande les clés, retrouve les lunettes, jette les clés sur le comptoir de l’accueil, je retourne au bus au pas de course, nous partons. Trente minutes pour récupérer, un sprint à 3700 mètres d’altitude laisse des marques…   Après quelques arrêts pour prendre des voyageurs, la route s’élève, nous quittons le centre de La Paz, les maisons se délabrent. Nous sommes à El Alto, un ancien quartier de La Paz qui a son indépendance depuis quelques années. C’est une immense ville perchée à 4100 mètres d’altitude, tout y est délabré, tout y est tumulte et brouillon. El Alto concentre les exclus et les pauvres gens. Il s’y installent à 4100 mètres, repoussant constamment les limites tentaculaires de La Paz. La Paz déborde, El Alto s’accroît.  Après deux heures de traversée sur une route pourrie, nous prenons à gauche dans un village, une piste que je pensais temporaire… Nous traversons des hameaux coupés du monde, les hommes y ont construit des maisons avec les moyens du bord, des maisons avec ou sans toit, avec ou sans vitre.
Deux heures de piste chaotique puis nous apercevons enfin le Lac Titicaca . Anne Gaëlle ne se sent pas bien, moi, ce n’est pas non plus la grande forme… Enfin une route bitumée, une heure plus tard, nous sommes à San Pedro de Tiquina, sur les rives du lac.. Beaucoup de vent, des perspectives infinies, des vagues, nous avons l’impression d’être au bord de la mer. Le bus embarque sur un bac, fait de planches disjointes et vermoulues, on nous fait comprendre qu’il ne faut pas rester dans le bus. Nous embarquons sur une navette qui arbore le même plancher.  Nous traversons, reprenons le bus, puis une magnifique route perchée à 4200 mètres d’altitude nous offre des vues extraordinaires sur le Lac et nous mène  à Copacabana, petite bourgade portuaire et animée. 



L’hôtel : 6 euros la chambre double avec wc et douche chaude, télévision, vue sur le lac et petit déjeuner inclus ! Nous déjeunons, Anne Gaëlle essaie tout du moins, il lui est très difficile de manger depuis trois jours : les odeurs, l’altitude, le choc émotionnel… Nous allons nous promener sur la seule plage de Bolivie, balayée par les vents, nous sommes exténués. Une petite visite des rues animées et de la cathédrale de Copacabana. Elles est démesurément grande au vu de la taille de cette ville, d’un blanc éclatant, et une architecture de style mauresque d’une beauté déconcertante.
Une curieuse parade a lieu devant le parvis, au milieu des échoppes vendant toutes sortes de produits dérivés à la gloire de Jésus, la bénédiction des voitures. Lorsque l’on observe leur façon de conduire, cette bénédiction ne semble pas inutile. Nous traversons les marchés, observons les va-et-vient dans les parcs, dînons, pas d’eau chaude, donc pas de douche et nous allons nous coucher alors que règne dans la chambre, un froid glacial.



18/07/2005

Lever 07h00, petit déjeuner et petite marche pour se mettre en forme. Notre objectif, le Cerro Calveiro, petite colline sacrée qui domine de ses 3966 mètres Copacabana. Au sommet, des croix, des monuments religieux. La vue est infinie ; Copacabana en contrebas, sa cathédrale démesurée, le lac, le Pérou, l’Ile du Soleil se dévoilent à nous… En nous asseyant sur une stèle, nous sentons que nous dérangeons….



Un vieille femme nous regarde, son air est peu accueillant… Elle déploie un tissu coloré, fait des petits tas avec des cailloux, cet étrange balai dure une dizaine de minutes puis tout d’un coup, nous ressentons Anne Gaëlle et moi, la même douleur au même endroit ! Des picotements narine droite qui remontent dans les sinus ! La douleur n’est pas insupportable, mais nous quittons rapidement l’endroit… Il nous semble avoir été ensorcelés !
Nous redescendons donc, rejoignons les ruelles du village, faites de terre et de poussière, nous partons ainsi à la rencontre des enfants, des lamas, des chiens errants et des oies. Nous seront attaqués sans pitié par ces antipathiques volailles… A l’hôtel, toujours pas d’eau, toujours pas de douche… L’après-midi est consacrée à l’achat de provisions, nous réservons par la même occasion nos billets de bateau pour l’Isla del Sol (l’Ile du Soleil) pour le lendemain.



Restaurant, puis coucher.

19/07/2005

Nous prenons le bateau à 08h30, à 09h15 nous embarquons. La traversée dure deux heures, nos pilotes semblent bien plus occupés à jouer aux cartes qu’à manœuvrer l’embarcation du bout du pied… La traversée est magnifique, entre îlots isolés et montagnes. Plus loin, des femmes s’affairent à laver le linge dans les eaux aussi limpides que glacées. Challapampa est un village niché au nord de l’île dans une petite crique, les eaux y sont plus clémentes. Les vues sur les sommets enneigés de la Cordillère Royale sont époustouflantes. Le village semble coupé du monde ; les petites maisons en adobe, l’absence d’automobiles et la simplicité des gens…




Nous prenons un en-cas (enfin depuis le 15 juillet, Anne Gaëlle mange), faisons des réserves d’eau et partons à pied dans le but de traverser l’ile du nord au sud. L’île est vivante, les hameaux sont animés, nous croisons sans cesse des îliens sur les sentiers. Ici, tout un village est affairé à couper un arbre, ailleurs un groupe de femmes discute, assises sur des pierres, partout, on nous salue avec simplicité et  chaleur. Nous ne dérangeons pas, les gens nous acceptent, nous ne semblons pas éveiller de convoitise, je me sens très honoré de tous ces égards.  Nous gagnons les crêtes à plus de 4000 mètres d’altitude, le sentier serpente, s’élève, redescend, les perspectives sont infinies.
Nous passons devant de vieilles bicoques, qui surplombent l’immensité, le Lac Titicaca est une mer.


Devant une maisonnette, une femme tisse, sous l’œil bienveillant de son mari.


Quatre heures après avoir quitté Challapampa, nous arrivons enfin au sud de l’île, à Yumani, petit village à flanc de colline, perché à 4000 mètres. A l’entrée du village, nous sommes accueillis par des enfants.
Le village est désert, nous nous hasardons dans les ruelle en terre, nous déambulons au gré des bifurcations, à la recherche d’un toit pour la nuit. Tout le village est là, affairé sous le contrôle des femmes, à construire une nouvelle route… enfin plutôt un sentier pavé. Nous nous frayons un chemin puis croisons une dame qui nous propose une chambre. Une chambre donc, mais une chambre seule… Quatre mètres carrés sans toilettes, ni douche, ni même lavabo… Il est vrai que la vue sur le lac et sur la Cordillère Royale compense. Et pour 1 euro la nuit, nous ne pouvons faire les difficiles…
Nous errons dans les ruelles de Yumani, allons dîner, les yeux rivés sur le soleil qui décline.



Nous nous retrouvons attablés dans un restaurant, c’est un grand mot, et comme à chaque fois, après avoir passé la commande, l’un des membres de la famille se dévoue pour sortir faire les courses. De la fenêtre, c’est un étrange et fascinant balai que nous observons, sans en louper une miette. Des femmes, des enfants dégueulasses, des ânes, des lamas, des cochons passent. Ils ravitaillent le village en eau, en la puisant à la source quelques deux cent mètres en aval. Maurizio, 5 ans, fils du restaurateur, revient des commissions ! Nous en profitons pour lui parler de son école, il nous montre ses cahiers. Même si pédagogiquement, son travail est très éloigné de ce que nos faisons en Europe, Maurizio fait preuve d’une motricité fine assez remarquable pour une enfant de son âge. Nous rentrons éclairés par la pleine lune, l’Ile de la Lune, n’a jamais aussi bien porté son nom… Petits problèmes intestinaux pour moi et au lit (accompagnés du hennissement des ânes…) .

20/07/2005

Mauvaise nuit pour tous les deux, réveillés à 02h00, impossible de se lever à 06h30… Nous partons tant bien que mal, traversons Yumani désert, le ciel est chargé. Nous descendons les deux cent mètres de dénivelée qui nous séparent des rives du lac, personne. Nous devons trouver un bateau qui nous emmène à Yampupata, en face de Yumani, sur l’autre berge.  Une embarcation part à vide… trop tard… Vers 08h00, deux gars arrivent. Nous leur demandons s’ils peuvent nous faire traverser. 100 bs soit 10 euros, non c’est trop ! Nous parvenons à négocier la traverser pour 60 bs, espérant ne pas se faire racketter ( cf épisode du Pérou ). Finalement la traversée se passe sans encombre, parfois j’avoue avoir l’esprit tordu. Nous partons de Yampupata à 08h30, accompagnés par la cloche annonçant l’entrée en classe. Nous nous éloignons du village qui compte quelques maisons et … une voiture épave… Nous empruntons donc la piste qui serpente à flanc de colline, les vues sur le lac sont plongeantes. Nous pensons relier Copacabana en 4-5 heures. Nous croisons de nombreux villageois, qui nous sourient et nous saluent cordialement, nous croisons également des enfants en blouse qui semblent sacrément en retard pour l’école… Ils nous demandent du pain, nous leur en offrons. Nous parvenons à un premier village, trois chiens errants nous rejoignent : une femelle et deux mâles insistants. La femelle se refuse et semble nous prendre à témoin. Les chiens grognent, râlent, nous passent dans les jambes, nous bousculent… Anne Gaëlle est effrayée, je la rassure et lui préconise de les ignorer. Il ne nous attaqueront pas si nos ne faisons pas attention à eux. Je m’arme d’une pierre au cas où… Anne Gaëlle ne se détend pas, j’essaie de la rassurer. Nous faisons tellement attention à eux, que nous manquons le raccourci… Tant pis. Au bout de deux heures, nos croisons deux français, nous leur passons le relais, nous nous arrêtons, les chiens leur emboîtent le pas… sauf un… mais peu importe il semble nous apprécier, il nous accompagnera.  Nous traversons d’immenses forêts d’eucalyptus, encore un de ces fabuleux villages en terre, dans lesquels seule l’église est entretenue, toujours les mêmes sourires…



Au milieu d’un champ, des hommes s’évertuent à labourer un champ avec deux bœufs et une herse… Nous ressentons désormais la fatigue, quatre heures que nous marchons sans avoir mangé, et toujours pas de Copacabana. Nous faisons une petite pause, notre compagnon de route nous attend 100 mètres plus loin. Nous repartons, déjà, le Cerro Calveiro qui domine Copacabana nous apparaît. Un col et la baie. Une heure de marche encore…  Il est 14h30 lorsque nous arrivons à Copacabana, écrasés de fatigue. Un coca, une douche…froide et une sieste réparatrice. Le poids du sac m’a provoqué des douleurs dans le dos, je savoure mes moments allongés.

21/07/2005

Lever tardif , nous prenons le bus pour La Paz à 13h30. Nous occupons la matinée comme nous pouvons, 13h30 nous partons puis arrivons une heure plus tard à San Pablo de Tiquina pour prendre le bac. Le lac est déchaîné, les vagues s’agitent, le vent déracine et le froid nous mord le visage. Nous embarquons, le bateau tangue, penche, les vagues passent par dessus bord, vingt minutes à lutter, et enfin la terre ferme. Nous prions pour que le bus ne disparaisse pas au fond du lac, et nos affaires avec.   Nous reprenons la route, route qui devient piste, il est très difficile de croiser d’autres véhicules sur cette chaussée très, trop étroite. Tout se passe bien jusqu'à ce que une voiture vienne frotter littéralement contre la carrosserie du bus. La voiture n’a plus d’aile gauche, le chauffeur se retourne et poursuit comme si rien n’était. Les vues sur l’Illampu sont magiques, il semble veiller sur les maisonnettes en adobe et leurs petites bergères colorées.


Une heure de route puis La Paz. Le chauffeur de bus ne veut pas nous déposer à l’hôtel comme convenu, taxi puis à pied et enfin une douche chaude !

22/07/2005

Lever 07h00, nous faisons nos sacs, un taxi vient nous chercher à 09h15 pour le terminal de bus. Nous y arrivons et repérons le quai pour Oruro, tout en restant sur nos gardes, paraît-il que les vols sont fréquents. Nous repérons deux français que nous avions croisé auparavant, brefs échanges. Trois heures trente plus tard, nous sommes à Oruro, ville délabrée et austère, ville minière au milieu du désert et de la poussière.  Nous avons deux heures à tuer avant le départ du train, nous allons boire un thé avec Jean Luc et Marie, les français rencontrés précédemment. Ils traversent également le sud de la Bolivie pour rejoindre San Pedro De Atacama au Chili. Ils nous apprennent que Varig, notre compagnie aérienne a déposé le bilan… Comment allons nous rentrer ? Nous attendrons d’être à La Paz pour nous en occuper… Ils nous expliquent aussi pourquoi nous avons emprunté une piste pour aller au Lac Titicaca ; un chef indien local a instauré des barrages en guise de protestation. Nous nous rendons à la gare, entrons dans le wagon. Nous devions être en première classe ( équivalent deuxième classe SNCF ), finalement nous sommes en seconde, dans un confort tout à fait correct. Il est même plaisant d’être séparés des touristes. Le train part avec cinq minutes d’avances, traverse un lac, les flamands roses s’envolent à notre passage, puis le train progresse dans de longues étendues désertiques, nous offrant par la même occasion, un coucher de soleil mémorable. Il reste encore trois heures de voyage. Je négocie avec le contrôleur, je lui offre une clope, et j’ai le droit de fumer dans le train…  Arrivée glacée à Uyuni ( 0 °c ), où nous récupérons les bagages, puis nous nous rendons à l’hôtel Magia, l’un des meilleurs d’Uyuni. Uyuni est une ville far-west, austère et balayée par les vents, mais elle constitue le point de passage obligatoire pour qui veut se rendre au Salar. Pas d’eau chaude et 4°c dans la chambre…




23/07/2005

Lever 08h00, le 4x4 doit venir nous chercher à 10h00. Nous sommes réveillés par des polonais nombreux et peu discrets. Ils ont l’air de prendre leur expédition au sérieux ; caméras, appareils photos dernier cri, téléphone satellite, ordinateurs portables… Ils crient, s’interpellent dans les couloirs, photographient tout et n’importe quoi ; nous nous faisons photographier pendant le petit déjeuner ! A 10h00, le 4x4 est là, Juan est notre chauffeur et guide, Teo notre cuisinière.  Nous quittons définitivement le bitume, première étape, le cimetière de locomotives, à la sortie de la ville, aux portes du désert. De vieilles locomotives anglaises des années 1920, des vieux wagons rouillés, trônent, se décomposent et affrontent le vent et le froid mordant. D’un coup surgissent des wagons, une cohorte de militaires, nous ne nous attardons pas.



Nous prenons ensuite la direction du Salar d’Uyuni , nous croisons des pecunas,  lamas sauvages, au poil court et qui plus est protégés car en voie de disparition.
Halte à Colchani, lieu d’extraction du sel, nous visitons la petit centre de traitement puis nous nous engageons dans Salar… Du blanc, du bleu à perte de vue, des perspectives infinies sur cette étendue qui en plus d’être la plus importante réserve de sel au monde, en est aussi la plus grande étendue plane (160 km sur 80 de large ). Le vent est fort et glacial, la réverbération impose de bonnes lunettes de soleil, nous ne les quitterons pas de la journée.
Nous avons l’impression de rouler sur la neige, sur une sorte de banquise d’altitude.



Nous passons devant un hôtel, construit intégralement, intérieur comme extérieur, avec du sel. Je donne même un coup de langue sur le mur pour m’en assurer.  Nous poursuivons vers l’est et parvenons à l’ile d’Incuasi, petit bout de terre au milieu de cette ancienne mer, parsemée de cactus millénaires.
Nous nous hissons jusqu’à son sommet, découvrant ainsi avec émerveillement l’immensité qui nous entoure.  Beaucoup de vent, un froid mordant, et le sentiment bizarre de ne pas savoir si l’on est à la montagne ( du blanc, du vent, des températures glaciales ) ou au bord de la mer ( une ile, un étendue plate, et des cactus). Les contrastes sont saisissants, la couleur verte est venue s’ajouter au blanc et au bleu qui nous accompagnaient de puis plusieurs dizaines de kilomètres.  Juan et Teo nous préparent un repas chaud réconfortant au milieu des cactus.




L’heure est venue de quitter cet endroit dont nous avions tant rêvé, cet endroit que nous ne reverrons certainement jamais… Nous empruntons une piste, traversant des étendues toujours plus sauvages, toujours plus désertiques. Au détour d’un rocher, des lamas, plus loin, des pecunas… Une heure plus tard, nous sommes à San Juan, premier village rencontré après 240 km sans voir le bitume.  San Juan est un petit village, niché au pied d’une colline. Les vents se déchaînent continuellement dans les ruelles en terre, les toits sont maintenus par des rochers, les gens ne sortent pas. Il fait trop froid. L’électricité n’est disponible que le soir vers 22h00, lorsque les groupes électrogènes sont actionnés.
Nous nous hasardons dans les ruelles, achetons des cigarettes à l’épicerie ( on y trouve de tout, absolument tout ) et, sans avoir rencontré la moindre âme qui vive, nous nous dirigeons vers ce qui semble être un bar.  Vide, personne, des murs austères, un mobilier plus que rudimentaire. Nous nous asseyons, une dame arrive. Je lui fait la remarque : « Mucho frio, mucho abiento hoy ! » ( « Il fait froid, il y a du vent aujourd’hui ! » Elle me répond « C’est comme ça tous les jours » « Ah bon… » Au moment de payer, je dois entrer dans le jardin de la dame, toquer à sa porte, pour que quinze minutes plus tard, elle arrive pour nous encaisser… Nous retournons gelés au refuge, la chambre est petite, pas plus de quatre mètres carrés, les murs et le sol en béton ne sont pas des plus coquets mais l’endroit est propre et… glacé… Teo nous prépare un thé, nous dînons, et , en sortant nous tombons en émerveillement face à la voûte étoilée. Des milliers d étoiles éclairent le ciel, elles créent des nuées et propagent une clarté étonnante. Je n’ai jamais vu un ciel pareil ! Nous sommes à 3700 mètres d’altitude, la première ville est à plusieurs centaines de kilomètres, pas la moindre pollution… Le spectacle est saisissant. Nous allons nous coucher vers 19h45, il fait 7°c dans la chambre, nous dormons tout habillés.

24/07/2005

Lever 07h30, j’ai passé une mauvaise nuit. Petit déjeuner et départ. Nous traversons le Salar de Copoisa, d’une couleur plutôt marron, longeons la voie ferrée Calama-Uyuni, elle s’étend au milieu de nulle part et disparaît dans les infinités désertiques. Nous avions initialement décidé de l’emprunter pour rentrer du Chili, tout le monde nous l’a déconseillée, en raison de la vétusté des wagons, du froid et de l’altitude et des vingt heures ( prévues ) de trajet…. La piste est dominée par le volcan Ollagüe ( 5900 m ), volcan actif qui fait la frontière entre le Chili et la Bolivie.



La piste s’élève jusqu’à 4200 mètres, nous entamons ainsi la route des joyaux, une succession de lagunes, écrins logés entre les montagnes, où vivent des colonies de flamands roses, peu effrayés par le vent et les températures souvent inférieures à –15°c. Ils se déplacent sur la glace et se nourrissent d’algues. On y trouve par ailleurs le flamand James, une des espèces les plus rares au monde.  Se succèdent les lagunas Canapa, Hedionda, toujours plus belles, toujours plus étendues, où le froid y est toujours plus polaire…






Nous déjeunons à la laguna Hedionda, essayant tant bien que mal de se protéger du vent, puis reprenons la piste. Nous longeons encore les lagunas Charkata , Rondas et Ramaditas. Les décores sont spectaculaires. Au bord de l’eau, des pecunas broutent quelques végétaux, puis, quelques kilomètres plus loin, nous rencontrons des Viscachas, sortes de lapins à longue queue, qui curieusement paraissent aussi agiles que des chats.


Nous passons un col à 4650 m dans le désert de Siloli, puis 220 kilomètres après avoir quitté San Juan, et passons devant l’Arbre de Pierre.

Nous parvenons à la Laguna Colorada, un lac de soixante kilomètres carrés aux couleurs surréalistes. A première vue, on pourrait croire à une pollution industrielle, il n’en est rien. Sa couleur bleue, rouge, blanche, ocre et parfois violette est due aux dépôts de sodium,  magnésium, borax et gypse. Des flamands roses y marchent sur la glace à la recherche de quelques algues à déguster. Nous sommes à 4350 m, le vent est comme d’habitude glacé.


Un kilomètre plus haut, nous parvenons au refuge, sommaire et austère, comme convenu. Quelques baraquements en adobe, des chambres glaciales et un sol en terre.  Nous commençons à sérieusement attendre la douche chaude de San Pedro… Mon cœur reconnaît Marie qui tente tant bien que mal de se protéger du vent à l’extérieur. Nous sommes tous contents de nous retrouver et nous discutons une heure et demi autour d’un maté de coca. Nous dînons et nous nous glissons dans les duvets, dans une chambre où la température ambiante ne dépasse pas les 4°c.

25/07/2005

06h17, -1°c dans la pièce, les vitres sont couvertes d’une épaisse couche de glace… à l’intérieur… Le maté de coca que j’avais laissé fumant la veille sur la table est congelé. La nuit a été courte et agitée, à cette altitude, le sommeil est rarement réparateur.  A l’extérieur, -20°c, nous partons pour les geysers de Sol Manana. A 4850 m, les fumerolles foisonnent, l’odeur de souffre charge l’air ambiant et la vase en ébullition est peu rassurante. J’ai l’impression d’avoir été projeté lors du « voyage au centre de la terre » de Jules Verne.
Nous poursuivons la piste, passons devant la Laguna Salada, dans laquelle l’eau est à plus de 35°c, passons le désert de Dali, des blocs de laves y ont été projetés, rappelant un tableau du maître, puis enfin se dessine le volcan Licacanbur ( 5965 m ). La Laguna Blanca et la Laguna Verde se dévoilent à nous mais sonnent tristement la fin de cette aventure. Ces images que j’avais en tête, bien avant de partir s’offrent à moi.




Quelques kilomètres plus loin, Juan et Teo nous laissent à la frontière, nous nous serrons les uns contre les autres, un Chilien vient nous chercher en Pick-up,  Nous sommes au Chili ! Le contraste est saisissant : l’accent, l’apparence, le débit de parole, leur attitude moins décontractée, les routes, les marquages au sol, les panneaux, l’argent aussi… Une frontière n’est pas qu’une simple ligne imaginaire…









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