L'Inde est un tableau de
maître, un tableau vivant qui conjugue beauté et rudesse, optimisme et cruauté,
un tableau qui invite le spectateur à se donner, à se laisser guider, un
tableau qui vous attire, vous avale, sans jamais vous relâcher.
13/07/2006
Départ
de Roissy. Après une escale à Zurich, 9 heures d'avion, après
avoir survolé Kaboul et les splendides montagnes d'Afghanistan, nous
arrivons à Delhi.
A
peine sortis, les klaxons, la chaleur, l'humidité... 14 millions
d'habitants, des pousses pousses, des rickshaws, des motos à 1,2,3
passagers, des voitures dans tous les sens... Bienvenue en Inde.
Nous
prenons un taxi, 30 minutes sans avancer d'un centimètre... Notre
chauffeur fait un demi tour on ne sait comment, nous faisons 20
kilomètres de plus. Nous arrivons fatigués à l'hôtel. La clim est
bruyante, mais nous en avons une.
14/07/2006
Lever
à 15 h soit ... 15 heures de sommeil. Nous allons déjeuner, le gars
de l'hôtel nous donne un plan de Delhi et nous propose de nous
appeler un taxi. Nous l'embauchons pour l'après midi. Awub est notre
chauffeur. Old Delhi est le vieux Delhi. La circulation est
ahurissante, les gens sont partout, ils surgissent, un coup de
volant, un coup de klaxon... Ça passe au millimètre mais ça passe.
Il
nous emmène au Red
Fort
, dans le Old Delhi, un immense fort datant de la période Moghol.
Ses murs rouges sont immenses. Nous nous promenons une bonne
heure dans ses jardins à l'écart du tumulte assourdissant de la
ville. Les indiens nous saluent le plus souvent, parfois, insistent
pour que l'on figure sur leurs photos.
La
température est de 35 degrés, le taux d'humidité doit flirter avec
les 100%. Nous retrouvons Awub puis allons à la grande
mosquée malheureusement fermée aux non musulmans, jour de prière.
Nous terminons notre visite à l'India Gate, Arc de Triomphe local.
Dîner et au lit.
15/07/2006
Après
avoir palabré pendant une heure (I know where I want to go, I
know when I want to go !) Nous partons chercher la sérénité et la
fraîcheur sur les contreforts de l'Himalaya. A priori, une quinzaine
d'heures de bus et nous y sommes... Nous nous promenons dans le
quartier puis partons vers 15h30. La chaleur est insoutenable,
l'humidité l'est tout autant, chaque parcelle de notre corps
transpire à grosses gouttes sans que nous fassions le moindre
mouvement. Bien entendu, pas de climatisation dans le bus. Notre
sortie de Delhi est indescriptible. Elle se chiffre: 4 heures et
demie pour seulement sortir de cette ville. Les embouteillages, les
sens de circulation, les priorités, l'usage du klaxon... Rien
n'obéit à la moindre règle que je connaisse ou que je puisse
comprendre. Nous empruntons les faubourgs de Delhi, ces faubourgs où
les vaches monopolisent la chaussée, où les gens dorment à même
le sol mais balaient pourtant le trottoir comme si c'était chez eux,
ces faubourgs où le rond point fait aussi guise de sèche-linge
familial... Enfin nous quittons New Delhi vers 19h45.
16/07/2006
Pas
beaucoup de différence pour moi entre le 15 et le 16 juillet. Je
m'endors vers 4h30, je me réveille vers 9h40... Ah non, il s'agit de
la pression atmosphérique qu'indique également ma montre. Il est en
fait 5h15... La route est plus sinueuse, les montagnes se dessinent,
l'air est plus respirable mais nous sommes épuisés. Les chaos de la
route, les klaxons et les dépassements aléatoires nous assomment.
Il est 12h30, nous arrivons enfin à Manali dans l'Himachal Pradesh,
les contreforts de l'Himalaya.
On nous avait parlé de 10 heures de
trajet, de 12, de 14, de 16 mais pas une fois nous avons entendu
parler de 21 heures de trajet dans un bus pourri sans toilette, sans
clim. Tout le trajet les fenêtres sont restées grandes ouvertes...
Peut-être que la fumée provenant de quelques substances
réprimées chez nous et qui emplissait la cabine du chauffeur, est
une cause à cette lenteur excessive... Ceci dit, des paysages
splendides et des singes rencontrés nous ont distraits.
Nous
récupérons nos sacs et appelons sans plus tarder un Rickshaw qui
nous emmène à un petit village sur les hauteurs de Manali. Des
baraques en pierre, une petite rue principale et la nature à portée
de main. Nous dominons la vallée, l'air est frais, l'endroit est
très paisible, au loin les glaciers se profilent...
L'endroit
est parfait pour rester quelques jours dans cette enclave
bouddhiste... Nous sommes ravis.
17/07/2006
Lever
à 11h00 après une quinzaine d'heures de sommeil... Puis nous
partons à la découverte du village, arpentant les paisibles
ruelles, assistant à des danses traditionnelles dans les temples,
croisant vaches et lapins...
Vashisht
est un paisible village à 2000 m d'altitude, entouré de vergers.
Puis nous partons nous promener, traversons une foret et atteignons
la grande cascade qui domine fièrement la vallée. 2h30 de marche
loin, très loin de New Delhi... Nous pensons rester encore deux
jours à Vashicht.
18/07/2006
Lever
12h00, déjeuner, la nourriture est délicieuse. Puis nous empruntons
un chemin qui nous mène à Manali. Rencontres, avec une française
qui a tout plaqué pour venir s'installer ici. Des enfants se
baignent dans le torrent. Nous arrivons à Manali où nous découvrons
le quartier tibétain. Temples, stupa, moulins à prières. Nous nous
déchaussons et rentrons. Une immense statue de Buddha domine le
temple.
Nous
remontons ensuite la route qui mène à Old Manali, puis empruntons
un sentier en forêt qui nous mène à un temple hindou de 4 étages.
Déambulations dans Old Manali, petite bourgade à flanc de montagne
parsemée d'échoppes et de petits restaurants. Rencontre avec des
hindous charmeurs de serpent, je me laisse tenter par un câlin avec
un Python. Retour en Rickshaw, quelque peu retardé par la présence
d'un éléphant sur la route...
19/07/2006
Promenade
dans les rues de Vashisht, je croise à nouveau les charmeurs de
serpent de la veille. Je m'assieds 10 minutes avec eux et discute un
peu. " Business is not good "... Ils m'offrent une pierre
censée me protéger des morsures de serpents et par la même
occasion, de tout le reste.
Des
instruments de musique, la foule descend la seule rue du village,
aujourd'hui, c'est mariage. C'est une longue procession qui défile.
La mariée est vêtue d'une grande étoffe rouge, brodée de jaune,
son visage est caché.
La
mousson nous attrape, premières gouttes de pluie indienne qui se
transforment vite en torrents. Une heure pas plus, le ciel
transpire l'humidité mais la pluie cesse.
Nous
finissons la journée à Old Manali autour d'une succulente pizza et
d'un fameux Tiramisu.
20/07/2006
Lever
tardif, nous rendons la chambre. Ce soir, nous partons pour
Dharamshala , lieu où
vit le Dalai Lama et une petite partie de la communauté tibétaine
persécutée et opprimée par le gouvernement chinois.
Officiellement, entre 9 et 12 heures de bus... Nous partons en
Rickshaw à la station de bus, vaste étendue de boue où jouent des
gamins en haillons, nus pieds, escaladant leur montagne de détritus.
Ils courent après les chiens qui courent après les ânes qui
courent après les vaches qui évitent comme elles peuvent les bus...
Nous montons dans le bus, aussi rudimentaire que le précédent,
sinon plus. Pas de repose-pieds ni d'appui-tête. Nous devrions
arriver vers 5h00 du matin.
21/07/2006
Impossible
de fermer l'œil, la route serpente sans cesse entre falaise et
ravin, nous sommes continuellement ballottés de gauche à droite ou
contre le siège devant. Par ailleurs nous semblons éveiller la
curiosité des indiens qui nous regardent discrètement en
souriant... 2h20, on nous réveille (nous dormions depuis 15
minutes), on nous dépose sur le bord de la route avec deux
israéliens, et le bus repart dans un nuage de fumée dans la rue
poussiéreuse qui traverse le village sans vie. Deux occidentaux
semblent avoir subit le même sort que nous. Ils sont également
israéliens et nous expliquent que nous ne sommes pas à Dharamshala,
mais dans un village à 10 km au sud... Il est 2h40, il fait nuit
noire et pas un bruit. Un taxi vient nous proposer un prix démesuré
pour nous monter au village. Nous comprenons peu à peu la
machination. On nous dépose à 10 km et le taxi se fait une somme
rondelette sur notre dos étant donné que nous n'avons pas le choix.
Nous négocions, il ne veut rien entendre. Nous nous concertons et
refusons, allons nous asseoir sur les trottoirs poussiéreux en
attendant le jour. Le taxi furieux repart. 20 minutes plus tard, un
vieux bus arrive, il va à Dharamshala, et pour quelques roupies, il
nous y dépose. Avec Anne Gaëlle, nous préférons y dormir, nous
voulions dans un premier temps séjourner à Mcleod Ganj, village où
vit précisément le Dalai Lama, mais pour cette nuit, ça ira bien.
Nous quittons nos compères israéliens, il est 3h20. Nous remontons
le sombre escalier qui mène au centre ville, portant avec courage
nos deux gros sacs.
Nous passons devant une cabane où dorment deux
chauffeurs de taxi puis arrivons dans la rue principale, pas un
bruit, pas une lumière ni même une porte ouverte... Nous remontons
la rue. Une tentative, deux tentatives, toutes les portes des
supposés hôtels ou guesthouses sont fermées. Quelques vaches
couchées au milieu de la route ne se posent certainement pas les
mêmes questions que nous. Tout à coup, au détour d un virage, une
meute de chien gronde, montre les dents, nous ne pouvons passer, nous
sommes forcés de faire demi-tour. Seule solution: réveiller le
chauffeur de taxi et lui demander de nous trouver un hôtel ouvert.
Il est 3h50. Nous réveillons le chauffeur et lui exposons notre
souci. Il nous emmène. Premier hôtel, nous réveillons le gars,
l'hôtel est complet. Deuxième hôtel, nous réveillons le gars, il
reste une chambre ! Nous la prenons. Nous nous couchons sur une
planche en bois, vers 4h15 morts de fatigue. Lever vers 12h00,
réveillés par le tumulte de la ville. Nous retournons à pied à la
cabane des taxis et montons à Macleod. Macleod est un village
perché où vivent le Dalai Lama et une bonne partie de la communauté
tibétaine. Le village est accroché à la montagne et les vues et
les perspectives qu' on y découvre, sont impressionnantes.
Nous
trouvons un hôtel pas cher (4 euros) avec vue sur la vallée. Nous
nous douchons, puis déjeunons, nous en avions besoin... La mousson
nous rattrape, il pleut des seaux, mais ça ne dure pas. Puis nous
partons à la découverte des environs. Nous descendons jusqu' à
Tsuglagkhang, lieu de résidence du Dalai Lama, monastère et lieu de
prière. Nous y entrons et évoluons librement au sein de cette
enclave vouée à la méditation. Ici, des moines reçoivent des
enseignements, là bas, ils s'exécutent en prière collective...
Parfois un singe passe, et dans un recoin, l'entrée d'un temple
décoré à la gloire de Buddha.
Le
lieu et serein, pas un bruit, seulement de temps en temps ces
sonorités graves et nasales caractéristiques de la méditation, ou
les moulins à prière qui roulent et se succèdent, sous l'impulsion
des mains du croyant...
Nous
prenons congé du lieu et prenons un sentier escarpé, qui plonge
dans cette forêt quasi tropicale. Nous arrivons au bout de 10
minutes au Tse Chok Ling Gompa, un monastère à flanc de montagne,
où vivent quelques dizaines de moines. Nous en faisons le tour,
croisons des moines affairés aux tâches les plus simples (ménage)
mais aussi plongés dans d'étranges méditations.
Nous
remontons le sentier, et prenons un peu de repos après cette longue
journée...
22/07/2006
Journée
off, il pleut du matin au soir. Dans les restaurants, le serveur nous
donne papier et stylo pour que nous passions nous-mêmes la commande.
23/07/2006
Réveil
à 3h45, nous sommes à 4h15 à la gare routière pour prendre le bus
pour Amritsar. A 5h00, nous partons, peinant à garder les yeux
ouverts. Le bus n'est pas complet mais, refusant de mettre nos sacs
sur le toit (pas attachés et sous la pluie... ), nous payons pour un
troisième siège. Nous quittons les montagnes humides pour gagner
les plaines plus à l'est et donc l'étouffante chaleur. Le bus se
remplit, tous les sièges sont occupés, nos sacs gisent dans le
couloir. Il est plein à craquer, un dame vomit, un gamin l'imite
aussitôt, la route est droite mais le chauffeur ne cesse de freiner
pour doubler au dernier moment...
Nous
arrivons tant bien que mal à Amritsar vers 10h00, ville située à
30 km de la frontière pakistanaise, sainte cité pour les sikhs,
adeptes du sikhisme, une religion mêlant Hindouisme et Islam.
Les
sikhs sont reconnaissables à leur turban coloré et leur longue
barbe. La ville d'un million d'habitants est poussiéreuse, la
chaleur moite qui envahit les rues ne nous donne pas bonne
impression...
Nous
trouvons un hôtel, nous nous douchons puis dormons deux heures. La
raison qui nous amène ici est la visite du Temple
d'Or , lieu de culte, où les Sikhs de toute l'Inde se donnent
rendez-vous pour purifier leur âme. Nous prenons la direction du
temple, achetons un foulard (il faut y entrer la tête couverte),
enlevons nos chaussures et lavons nos pieds comme le font en même
temps que nous des milliers d'indiens. C'est le pèlerinage et tous
convergent vers les différentes portes qui mènent au site. Cela
fait deux heures que nous en sommes sortis, nous sommes encore sous
le choc, bouleversés par ce que nous avons vu, entendu, ressenti,
bouleversés par cette foi qui nous est si étrangère, bouleversés
par ces milliers de fidèles qui nous ont accepté au temple de leur
purification. Nous entrons par la grande porte. Une immense cour
emplie d'un bassin, le Temple d'Or, recouvert intégralement d'or
massif y trône au bout d'une presqu'île.
L'accès
ressemble à un chemin de croix. Tous, tournent dans le sens des
aiguilles d'une montre, nous les imitons.
Les
variations vocales du chef religieux et les percussions marquent la
cadence et envoûtent l'espace. Des femmes, des enfants, des
vieillards... Ils sont là, il prient, ils marchent, ils se baignent.
Nous sommes là, nous marchons, nous ne manquons rien, nous
n'échangerons pas un mot tellement le poids de cette foi nous émeut,
nous bouleverse, nous écrase. Le spectacle qui se joue devant nous
est d'une beauté et d'une spiritualité déconcertante. Les mots me
manquent encore, j'y reviendrai peut être plus tard. En marge de ce
pèlerinage, nous sommes touchés par la considération dont font
preuve certaines personnes à notre égard. Les fidèles veulent nous
parler, nous serrer la main, puis aussi vite qu' ils sont apparus,
ils disparaissent...