Bienvenue sur world-blogueur.com ! Ce blog rassemble les récits et photos de mes périples et expériences près d'ici ou à travers le monde. Des voyages à vélo, en bus, en train, sac à dos, en fourgon, en famille, en montagne ou tout au nord... Consultez également ma bibliothèque qui rassemble mes comptes-rendus de lecture, et inscrivez-vous à la newsletter afin d'être informé des dernières mises à jour. Bonne route...
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Mon avis sur ce livre
Lionel Daudet est un alpiniste émérite. Lorsqu'il s'élance du Mont Blanc en août 2011,c'est pour suivre strictement les frontières de la France, à la seule force de ses bras et de ses jambes. 465 jours de voyage et 10 000 km parcourus à la rencontre de la France et des français.
Les rencontres, les imprévus et la personnalité de l'aventurier font qu'on ne s'ennuie pas à la lecture des 300 pages de l'ouvrage. Lionel Daudet livre ainsi un regard différent sur ce pays que nous pensons connaitre, ses remarques simples, parfois simplistes, résonnent et parlent au lecteur. L'écriture ne se distingue pas par son style mais l'honnêteté et l'humilité de l'homme suffisent pour rendre le propos convaincant.
Il est seulement dommage que ce périple magnifique n'ait pas été fait en autonomie complète (sans logistique).
A la fin, Lionel Daudet clame qu'il est vivant, le lecteur aussi. De là à vouloir accomplir un tel périple, il n'y a qu'un pas...
« Pourquoi
la Corée du Sud ? » Cent fois posée, cette question
appelle toujours la même réponse: « Une piste cyclable ».
La Corée du Sud a décidé de mettre sa population à l'exercice
physique et a ainsi fait construire une piste cyclable moderne et
équipée qui traverse le pays du nord-ouest (Inchéon) au sud-est
(Busan). Les deux principales villes du pays sont reliées par une
voie verte de 633 km traversant les villes et les campagnes.
Nous
sommes le 20 octobre 2018, JP et moi sommes à Roissy, les vélos
sont emballés, l'aventure peut commencer...
Quelques
jours plus tôt...
« Salut
les gars, y a-t-il quelqu'un possédant une voiture familiale qui
peut nous emmener à Roissy avec JP et nos vélos ? »
Christophe
répond sans plus attendre à cette bouteille jetée à la mer.
20/10/18
Roissy,
Christophe nous dépose au moment où le terminal 1 est évacué pour
cause d'alerte au bagage abandonné. Nous sommes serrés comme des
sardines, difficile de se frayer un chemin parmi les passagers en
attente. Nos chariots transportant les vélos embêtent tout le
monde...
13h10,
le vol d'Air China décolle et propose au passager, en plus d'écouter
l'intégrale des albums de Richard Clayderman, de visionner les pires
navets cinématographiques des ces trois dernières années. Je
termine mon sixième film en 10h30 (!) lorsque nous atterrissons à
Chengdu en Chine.
21/10/18
Jour:
52 km Total: 52 km
Un
guichet, deux types endormis pour prendre les empreintes pupillaires
et digitales de l'ensemble des passagers qui sont en transit. Au bas
mot, une centaine de voyageurs, au final 1h30 d'attente.
Il
est 6h00 du matin heure locale, nous sommes dimanche et avalons une
soupe au bœuf avant d'embarquer pour l'avion à destination de
Séoul.
Je
m'endors instantanément.
Il
est 12h40, l'avion se pose à l'aéroport d'Inchéon, situé sur une
ile à une quarantaine de kilomètres de Séoul.
Impossible
de quitter l'ile sur nos vélos. Il nous faut prendre un taxi qui
nous dépose au kilomètre zéro de cette piste cyclable si
convoitée.
Il
est 14h40. Nous déballons les vélos, arrangeons les sacoches,
regonflons les pneus. Il est 15h30, nous sommes prêts, nous sommes partis depuis plus de 24 heures.
Au
centre des visiteurs du « Four rivers bike trail » (le
nom de cette piste), il est possible d'acheter un passeport qu'il
faut tamponner à intervalle régulier dans des cabines rouges
dédiées.
Il
nous tarde de démarrer, nous faisons l'impasse sur cette curiosité
aussi folklorique qu'inutile. Les coréens y semblent cependant très
attachés.
Des
dizaines de cyclistes pédalent sur cette voie. Certains sont
emmitouflés des pieds à la tête pour protéger chaque millimètre
carré de leur peau du soleil pourtant automnal.
Nous
avons environ 45 km à parcourir jusqu'au quartier de Séoul où j'ai
réservé l'hôtel.
La
piste est bonne et les coréens, réunis en nombre en ce dimanche
ensoleillé, assurent le spectacle.
Des
chanteurs de rue, des musiciens, des familles, des cafés, des
mécaniciens prêts à réparer n'importe quelle défaillance
vélocipédique, des toilettes publiques tous les 3 kilomètres, des
stations de gonflage et évidemment, des centaines de cyclistes de
toutes espèces.
La
roue libre de JP craque. Changement en 10 minutes sur le bord de la
route.
La
lumière décline au fur et à mesure que nous approchons de Séoul.
Il est 18h00, il fait maintenant complètement nuit.
Disposant
d'un plan de Séoul et de quelques captures d'écran, nous repérons
sans trop de difficultés le quartier de Gangnam où se trouve
l'hôtel.
Plus
que 13 ponts, 9 ponts, 8 ponts, 2 ponts...
Les
coréens sont de sortie, l'esplanade qui domine le fleuve Han est
bondée et parsemée de petites tentes.
Il
est 19h30, c'est maintenant mon pédalier qui n'en finit pas de
craquer.
Changement
de roue libre, essai, bris de chaîne, changement de pédalier, 170
euros.
Il
est 20h30, je n'ai qu'une envie : me doucher et m'allonger.
21h00,
nous quittons la piste et empruntons les rampes qui permettent de
remonter sur les échangeurs menant aux divers quartiers de cette
ville de 10 millions d'habitants.
Enfin,
l'hôtel. Chambre minuscule et sans fenêtre. Dimanche soir, 22h00.
Le quartier est désert, difficile de trouver à dîner.
22/10/18
Jour:
99 kmTotal: 151 km
Le
départ est tardif, les organismes sont fatigués par ces dernières
36 heures.
Pas
facile de retrouver la piste, nous n’échapperons pas aux
escaliers...
La
piste remonte légèrement vers le nord à mesure que nous quittons
Séoul.
Des
avions de chasse, des hélicoptères, des manœuvres terrestres,
aquatiques et subaquatiques. Le voisin nord-coréen est à moins de
cinquante kilomètres à vol d'oiseau.
Les
arbres sont en feu. L'automne coréen nous offre un cadre
particulièrement chaleureux pour pédaler.
Nous
découvrons un peu plus encore cette piste si bien aménagée.
Celle-ci est bien moins fréquentée désormais. Néanmoins, les
infrastructures sont étonnantes : tunnels, passerelles,
échangeurs, ralentisseurs, panneaux de signalisation et limite de la
vitesse cycliste à 20km/h.
Outre
le fait que la circulation automobile est inexistante, il est
formidable de pouvoir, avec JP, rouler côte à côte et refaire le
monde.
A
25 km de Yeoju, sur les coups de 15h00, une côte à 10%. Dans cette
affreuse montée, une tente faisant office de restaurant. Pas de
menu, pas d'anglais mais plusieurs assiettes en guise d'introduction
à la gastronomie coréenne. Dans ces assiettes, des crudités non
identifiables, des raviolis spongieux et une soupe épicée dans
laquelle flottent divers aliments inconnus. Ayant en horreur les
fruits de mer, je crains mais engloutis sans sourciller le contenu
des divers récipients.
La
note est bien plus salée que les plats.
La
piste longe le fleuve, s'en écarte. Les ponts, édifices immenses
construits pour les cyclistes, l'enjambent de temps à autres.
Le
soleil décline peu à peu, le vent de face qui nous a accompagnés
toute la journée ne faiblit pas.
Nous
arrivons à Yeoju et décidons d'y passer la nuit, craignant de nous
retrouver en rase campagne si nous poursuivons.
Un
type aviné nous propose de le suivre et nous emmène dans un motel
miteux que nous nous empressons de fuir.
Nous
posons nos sacoches dans un établissement plus central et partons à
pied découvrir cette ville qui nous offre une petite zone piétonne
animée et un restaurant aux saveurs occidentales réconfortantes.
23/10/18
Jour:
103 kmTotal: 254 km
Hot-dogs
et pizza en guise de petit déjeuner.
Un
petit temple domine Yeoju. Petite pause dans la brume après moins
d'un kilomètre parcouru.
En
bordure de piste, les manœuvres militaires nous divertissent.
D'énormes camions fumants vont et viennent, déposant des troupes
dans et sur les eaux grises du fleuve.
L'itinéraire,
évidant et fléché depuis le début de l'aventure, nous pose
quelques difficultés. Dans un décor aux couleurs merveilleuses, la
piste s'arrête.
Quatre
kilomètres, des doutes, demi-tour, quatre kilomètres dans l'autre
sens, un cul de sac, re-demi-tour, une route, une côte, un pont, de
la circulation et enfin une camionnette qui nous indique le bon
chemin.
Nous
sommes désormais en fond de vallée, soulagés d'avoir retrouvé
cette piste, mais conscients qu'il faudra rester vigilent.
Le
soleil apparaît, il est 12h00 et nous avons parcouru 59 km. Le seul
restaurant repéré depuis notre départ ce matin nous offre une
pause salvatrice. Une soupe et des trucs qui flottent nous remettent
sur pied.
Deux
autres cyclistes sont présents.
Le
plus jeune nous offre une barre chocolatée, nous les retrouverons
quelques kilomètres plus loin...
Les
nuages noirs au dessus de Chungju annoncent une douche sévère. Il
pleut des cordes, nous nous abritons sous un abris-bus en compagnie
du jeune cycliste.
Nous
repartons, ce dernier manque un virage quelques kilomètres plus
loin. Vélo cassé, il nous encourage à poursuivre notre route.
Des
travaux nous contraignent à quitter la piste...
Nous
poursuivons en longeant ce que nous pensons être la piste. Il se met
à pleuvoir. Des cordes.
Nous
nous abritons sous le balcon d'une bicoque.
Nous
repartons et nous retrouvons le second cycliste rencontré à midi.
« Busan ? »
« Busan,
Busan! » nous dit-il en nous montrant que nous sommes sur le
bon chemin. Nous le distançons assez rapidement. Les lacs de Chungju
sont magnifiques.
On
en oublierait presque nous n'avons toujours pas retrouvé la piste et
que les panneaux indicateurs ont totalement disparu.
Une
belle côte, on doute. Nous arrêtons les automobilistes, mais pas un
ne parle anglais et tous nous indiquent avec bienveillance mais sans
conviction que nous sommes sur le bon chemin.
Une
belle côte et nous sortons la carte peu détaillée que nous
possédons.
Notre
cycliste apparaît et nous répète que nous sommes sur le chemin.
Cette
fois, la route s'éloigne du lac et pique vers le sud. Pas, une côte,
un col, long et raide. Nous posons pied à terre et poursuivons à
pied.
Une
nouvelle fois, nous arrêtons un automobiliste, la carte est sortie.
Le cycliste sûr de lui pointe le bout de son nez. Il doute enfin,
appelle un ami, c'est son dernier mot Jean Pierre...Je sors mon
téléphone pour confirmer ce que nous pensons savoir. J'active mes
données pour activer la localisation Google Map.
Le
double couperet tombe : nous ne sommes pas du tout dans la bonne
direction, l'utilisation d'internet m'a coûté 50 euros.
Il
est 15 h30, nous avons parcouru près de 20 kilomètres dans la
mauvaise direction et nous avons perdu beaucoup de temps. Dans 2
heures, la nuit tombera.
Demi-tour,
retour vers Chungju.
Nous
retrouvons une cabine de tamponnage, elle se situe sur un détour
sans issue de notre itinéraire.
Un
car s'arrête. Des dizaines de coréens en tenue cycliste en
descendent et se photographient fièrement le précieux tampon à la
main. A croire que ces quelques gouttes d'encre ont davantage
d'importance que l'itinéraire gagné à la force des mollets...
La
ville est très étendue, nous nous dirigeons vers le centre-ville
mais nous ne retrouvons pas la piste cyclable. Nous devons prendre
une décision car la ville que nous souhaitions atteindre est
désormais inaccessible avant la tombée de la nuit.
Il
est 17h30, nous montons dans un bus au terminal de bus de Chungju pour
rejoindre Mungyeong.
45
minutes de trajet et j'aperçois enfin le ruban asphalté que nous
convoitions tant.
Il
fait nuit, les rues sont désertes et les restaurants sont rares et
traditionnels. Personne n'y parle anglais. Nous finissons dans un
taudis servant des ailes de poulet frit baignant dans une sauce
sucrée.
24/10/18
Jour:
115 kmTotal: 369 km
Je
concède que sur le vélo, je regarde souvent la montre et le
compteur. J'ai cette obsession, bien que le mot soit un peu fort,
d'arriver avant la nuit. Je n'ai surtout pas envie de me retrouver
dans la campagne coréenne sans éclairage publique et sans lieu pour
dormir. Comme nous n'avons pas de carte précise de l'itinéraire et
que nous ne savons jamais où nous allons loger, je me garde une
marge suffisante pour éviter la nuit à la belle étoile.
Ainsi,
ce matin, nous partons plus tôt, sur les coups de 7h30.
La
brume nous enveloppe dès les premiers tours de roue. La piste
traverse un petit village traditionnel et endormi. La Corée rurale,
l'envers du décor.
Les
paysannes et les paysans courbés bêchent, coupent ou ramassent. On
comprend aisément pourquoi les mamies rencontrées ici ou là sont
bossues et voûtées.
Les
quelques kilomètres parcourus, bien qu'agréables, nous soucient.
Les indications ont encore une fois disparu et la mésaventure de la
veille ne doit rester qu'un lointain souvenir. Un grand-père nous
rassure. Il est étonnant de constater que nos interlocuteurs
rencontrés quotidiennement ne parlent pas un mot d'anglais, que ce
soit en ville, dans les campagnes et même, aux réceptions des
hôtels.
Deux
vélos avec sacoches. Sans aucun doute, des occidentaux, les premiers
croisés depuis notre départ. Des anglais en voyage pendant un an
qui possèdent LA carte que nous aurions du nous procurer dès le
début : celle qui représente l'intégralité de l'itinéraire.
Curieusement, elle n'est pas sous-titrée en anglais mais nous la
prenons en photo, elle nous sera utile... cinquante mètres plus loin
où une bifurcation indique la suite de l'itinéraire dans deux
directions opposées.
La
piste suit de près ou de loin les méandres du fleuve. Parfois, elle
s'éloigne et la sanction est immédiate : une côte. Celle-ci
fait 25 %. Elle nous donne du fil à retordre alors que nous la
montons à pied.
Un
joli parc aux couleurs automnales et aux statues mystérieuses, un
temple surpris au hasard d'un virage et une épicerie de secours nous
permettant d'engloutir quelques chips, jalonnent le parcours.
Il
nous reste 42 km avant d'atteindre Gumi, une ville où nous
trouverons très certainement un motel.
Je
presse JP, il faut avancer.
Les
premières forêts de buildings se dessinent, la petite pause café à
10 km de l'arrivée nous détend.
Nous
nous perdons dans la zone industrielle, nous trouvons un hôtel, seul
indice qui puisse nous faire penser que nous avons trouvé le centre
ville.
Je
suis fatigué.
Nous
sortons et tombons par hasard sur un minuscule marché au pied des
barres d'immeubles.
JP
achète des pommes. Enfin un met simple au goût familier.
25/10/18
Jour:
104 kmTotal: 473 km
Kilomètre
8, je suis parti devant car JP s'arrête une énième fois pour
prendre des photos. J'ai pris un petit kilomètre d'avance, je
l'attends, il n'arrive pas, je peste, je fais demi-tour. Je distingue
son coupe vent-rouge, immobile.
Lorsque
j'arrive à son niveau, je constate que sa roue est en huit.
Inutilisable.
Un
cycliste coréen l'a percuté. JP, un colosse, n'a pas bougé d'un
centimètre. Le coréen a volé, cassé ses lunettes et s'est blessé
au visage.
En
attendant, il est allé chercher sa voiture pour emmener JP et son
vélo chez le vélociste le plus proche.
Il
revient, les embarque tous les deux et je reste planté sur le bord
de la piste avec mon vélo et celui du coréen malchanceux.
Je
regarde les quelques golfeurs, je marche, j'ai froid.
Je
reçois un sms : « Il me rachète un vélo à 500
euros ! ».
La
roue étant indisponible, le pauvre coréen fautif se confond en
excuses et n'en démord pas, il faut un nouveau vélo.
Moins
de deux heures après l'accident, ils sont de retour avec un destrier
flambant neuf, remplaçant ainsi la vieille machine fatiguée de JP.
Je
ne perds pas de vue notre moyenne journalière, il faut maintenant
avancer, nous avons pris beaucoup de retard.
C'est
un vrai plaisir de pédaler sur cette piste. Bien souvent, elle est
surélevée et domine de quelques mètres le paysage environnant. Une
piste panoramique.
Nous
passons à proximité de Daegu, troisième ville du pays. Encore une
forêt de buildings qui se dessine à l'horizon, des barres
d'immeubles uniformes et numérotés.
J'achète
une petite flasque d'huile, la mienne a explosé ce matin et nous
nous arrêtons dans un Seven Eleven, une épicerie de bord de route
pour déjeuner. Il est 14h00.
Dans
les rayons, quelques aliments occidentaux. Je me précipite sur des
bâtonnets blancs. Fromage ou poulpe ?
A
nouveau, une intersection où les flèches indiquent à droite et à
gauche. Depuis le début de notre périple, les panneaux ne sont pas
sous-titrés en anglais. Notre instinct nous guide une nouvelle fois.
90
kilomètres au compteur. La lumière est superbe. Encore une fois, JP
s'arrête pour prendre des photos, je trépigne. C'est vrai, c'est
beau. Notamment ce joli temple en bord de route.
La
carte en coréen ne nous aide pas beaucoup, souvent on ne sait pas où
on est. Les cabines dédiées au tamponnage des passeports sont nos
seuls repères. Il y en a tous les 50 km environ.
Nous
laissons une grosse ville sur notre gauche et poursuivons la piste
qui s'enfonce dans la campagne. Il est pourtant près de 17h00.
Un
pont, un petit village, aucun hôtel. Les riverains ne nous aident
pas beaucoup. Nous faisons demi-tour et parcourons 7 ou 8 kilomètres
en sens inverse.
Nous
trouvons finalement un hôtel planté dans une zone industrielle
déserte. Un hôtel luxueux aux chambres à prix modique. A la
réception, personne ne parle anglais, mais la venue de deux français
suscite un vif engouement et déclenche une séance photo.
Nous
ne savons pas où nous sommes, si ce n'est dans une grande ville qui
ne figure pas sur la carte. Une ville-fantôme.
Nous
nous faisons livrer une pizza dans la chambre, une pizza dont la
croûte est fourrée à la patate douce, une pizza « italienne »
(c'est celle que j'ai choisie ), immangeable, une insulte à
l'Italie...
A
défaut d'avoir bien mangé, je me détends dans le jacuzzi et le lit
chauffant !
26/10/18
Jour:
117 kmTotal: 590 km
Les
premiers 50 kilomètres ne sont que des successions de côtes.
La
première, très raide, nous mène à un petit temple dominant le
fleuve. Le temps est couvert, l'endroit désert.
Petite pause salvatrice dans une épicerie de bord de route.
Kilomètre
56, nous déjeunons dans un Seven Eleven glauque, écrasé par
l'immensité de barres d'immeubles tout aussi glauques.
Il
se met à pleuvoir.
On
ne profite plus, on pédale.
Nous
empruntons l'immense pont qui nous mène à une énième ville
verticale. 90 kilomètres. D'une façon hasardeuse, j'estime qu'à 10
kilomètres, nous devrions trouver un hôtel.
Nous
poursuivons donc malgré l'heure tardive.
10,
15, 20 kilomètres et pas la moindre trace de ville. Nous quittons
la piste et nous parvenons à un village alors que la nuit tombe sur
la campagne coréenne.
Une
femme, dans l’entrebâillement d'un portail, nous traduit à l'aide
de son smartphone que le premier hôtel est à une vingtaine de
minutes en voiture.
Il
est donc temps d'allumer nos éclairages. Nous décidons de ne pas
reprendre la piste, nous ne verrons rien et restons sur les grands
axes.
Il
fait nuit. Les quelques passants nous indiquent toujours la même
direction. Enfin le motel convoité ! Nous sommes trempés.
La
chambre est sommaire. Pas de lit, pas de matelas mais elle fera
l'affaire. Nous faisons sécher nos affaires et partons à pied pour
trouver de quoi dîner.
Nous
poussons la porte d'un petit boui-boui. Un genre de grill trône au
milieu des tables et nos voisins se font griller des tranches de lard
et des rondelles de patate. C'est exactement ce qu'il nous faut.
Avec
JP, nous sommes de gros mangeurs. Alors, après 117 kilomètres à
vélo, les six rondelles de pommes de terre que l'on nous apporte,
nous paraissent bien insuffisantes. Le supplément de quatre
rondelles est loin de nous rassasier. L'addition, nous estomaque.
Hors de prix.
Nous
finissons dans une supérette pour terminer ce repas sur une touche
sucrée.
27/10/18
Jour:
62 kmTotal: 652 km
Journée
marathon comme je les aime, mais il faut bien avouer, au moment
d'écrire ces lignes, je suis épuisé...
Reprenons...
Il
s'agit de notre dernier jour sur le vélo.
Les
47 kilomètres jusqu'à l'arrivée sont rapidement parcourus.
D'autant plus que les forêts d'immeubles de Busan, deuxième ville
du pays (3,5 millions d'habitants), sont en ligne de mire.
L'arche
constituant la ligne d'arrivée est l'occasion de faire quelques
photos avec des cyclistes coréens de passage.
Heureux
d'avoir parcourus cette belle piste, il nous faut maintenant nous
diriger vers Busan et plus précisément vers la gare centrale pour y
réserver nos billets de KTX (TGV) pour le lendemain.
10
kilomètres en jungle urbaine avec bus, intersections et feux
tricolores. Nous en avions perdu l'habitude.
A
suivre les panneaux « Train station », nous empruntons
deux tunnels interdits aux vélos. La circulation est dense, il faut
jouer les équilibristes.
Je
réserve en quelques minutes deux billets pour Séoul, départ 6h30
le lendemain matin.
Quelques
kilomètres encore pour trouver l'hôtel.
Personne.
Nous partons déjeuner dans une chaîne de burgers (Lotteria).
Retour
à l'hôtel. Personne. J'entends du bruit au 4ème étage. A force
d'inspecter les chambres, je trouve une petite dame qui nous ouvre
notre chambre.
Nous
avons besoin d'un véhicule à 5h40 pour le lendemain, d'un grand
véhicule pouvant accueillir deux adultes et deux vélos emballés.
Pas un mot d'anglais mais avec les gestes, on se met d'accord sur
l'heure, le tarif et sur la taille du taxi. Enfin, je l'espère...
Nous
partons à pied pour le quartier de Gamchéon, un village aux maison
colorées et aux ruelles escarpées. Le lieu, très touristique, a
fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration et de
réhabilitation.
Nous
marchons plusieurs heures dans ce labyrinthe, revenons sur nos pas
pour photographier à nouveau certains lieux car le soleil a daigné
montre le bout de son nez.
Promenade
agréable dans un quartier squatté par les artistes. Ici, ce sont
des dizaines de coréens qui font la queue pour se prendre en photo à
côté d'une statue du Petit Prince et de son renard.
Sur
le chemin du retour, nous trouvons de la mousse et du carton entassés
sur un trottoir. Ces matériaux nous permettront d'emballer les vélos
afin qu'ils soient protégés dans l'avion.
Depuis
le début du voyage, JP peine à retirer de l'argent dans les
distributeurs. Nous enchainons trois ou quatre banques, mais sans
succès.
La
rue des livres est étonnante. Dans certaines boutiques, il est
impossible d'entrer tellement il y a d'ouvrages.
Nous
nous plongeons dans les fumées et les odeurs du marché Gukje et
prolongeons jusqu'au marché aux poissons de Jagalchi.
Des
anguilles scalpées vivantes tentent de s'échapper des grills sur
lesquels on tente désespérément de les faire cuire, des poulpes
mangés alors qu'ils gesticulent encore et des tentacules de pieuvres
refusant obstinément de se laisser enfermer dans des sacs
plastiques. Un tel spectacle ne m'aide pas à apprécier tous ces
mollusques et autres fruits de mer que j’exècre déjà...
Derrière
ces petites échoppes odorantes où trônent les poissons séchés ou
vivants, des petites tables permettent aux coréens de déguster.
Je
suis épuisé.
Comme
la journée n'était pas assez chargée à notre goût, nous nous
engageons dans la station de métro de Jagalchi pour rejoindre la
plage de Haeundae . Ce soir, c'est le grand festival international de
feu d'artifice de Busan qui rassemble plus de deux millions de
spectateurs chaque année.
Neuf
stations de métro, un changement, neuf stations de métro et une
foule dense canalisée par des force de sécurité quelque peu
débordées et nous arrivons sur le front de mer. Un coréen nous
annonce que le spectacle débute à 20h00. Il est 19h30, juste le
temps d'avaler une pizza plutôt bonne mais comme partout en Corée,
hors de prix.
Je
n'aime pas particulièrement les feux d'artifice mais nous parvenons
à nous frayer une place face à la mer et le spectacle est plutôt
agréable.
Il
est 20h50, dans 10 minutes les derniers feux seront tirés. Il faut
partir pour éviter la foule qui se dirige déjà vers la bouche de
métro.
Neuf
stations, un changement, neuf stations et un kilomètre à pied pour
rejoindre l'hôtel.
Au
lit ? Non, pas tout à fait.
Il
nous faut encore emballer soigneusement les vélos dans les housses
prévues à cet effet, faire nos bagages et prendre une douche.
Il
est 23h00, nous nous couchons morts de fatigue.
Pourtant,
qu'avons nous fait aujourd'hui ? 62 km à vélo, 15 km à pied,
36 stations de métro, un quartier escarpé, trois marchés, quatre
banques, une gare centrale, un festival international rassemblant 2
millions de personnes, un emballage de vélo, 1500 photos et j'en
oublie... Les réveils sont programmés à 5h00 du matin...
28/10/18
Nous
prenons notre petit déjeuner à la gare de Séoul.
Le
KTX part à 6h30. Le suivant est à 6h40
Assis
dans le wagon, je repense avec plaisir au film que j'ai vu il y a
quelques semaines : « Dernier train pour Busan ». Un
film de zombies, le genre de film que je n'apprécie pas
particulièrement mais sachant que j'allais prendre ce train, sur la
même ligne que le lieu de l'histoire, je me suis laissé emporté.
Donc,
il s'agit du KTX Séoul-Busan qui se fait contaminer par des zombies
assoiffés de sang. Je suis amusé par ce clin d’œil.
Le
paysage défile. Parfois, nous longeons la piste mais difficile de
situer les lieux.
Arrivés
à 9h00 en gare de Séoul, nos sacs d'une trentaine de kilos nous
achèvent. Nous sommes dans le dernier wagon et nous avons tout le
quai à parcourir à pied.
Les
taxis ne peuvent pas nous prendre faute de place. Je retourne dans la
gare et demande au guichet d'information s'il est possible de nous
appeler un van. Impossible.
Il
nous reste à convaincre deux chauffeurs de taxi de nous prendre
séparément et surtout de loger les vélos sur la banquette arrière.
C'est
chose faite, nous arrivons à l'auberge de jeunesse réservée dans
le quartier de Jongno, quartier central qui nous permettra de ne pas
perdre de temps lors des visites.
Il
est 10h00, les chambres ne sont pas prêtes, nous partons à pied.
Nous
débutons par le Chagdokgung Palace (15ème siècle) et son
extraordinaire Secret Garden. Un parc immense, sublimé par les
merveilleuses couleurs de l'automne, un petit paradis au cœur de la
ville, un des plus beaux parcs que je n'ai jamais vus.
Les
touristes, essentiellement asiatiques, visitent les lieux vêtus de
costumes traditionnels coréens. Ceux-ci sont proposés à la
location à chaque coin de rue. Évidemment, ils leur permettent de
faire des milliers de photos et de selfies.
Un
riz au bœuf plus loin (toujours difficile de savoir à l'avance ce que nous allons manger), nous sommes au Bukchon village, un quartier
traditionnel préservé.
Promenade
apaisante et étonnamment calme alors que la ville grouillante se
trouve à quelques centaines de mètres.
Les devantures des magasins sont ornées de la photo du tenancier...
Mais
« chut ! », il faut chuchoter pour ne pas troubler
le bien-être des habitants.
Nous
poursuivons jusqu'au parc du Gyeongbokgung Palace où un spectacle a
lieu. JP est extirpé du public pour participer à la démonstration.
Il est chaleureusement applaudi par le public malgré, il faut
l'avouer, sa piètre prestation....
Nous
remontons l'immense Sejong Daero en face du palais.
Une
fête, un concert sans public et des ballons. Des manifestations
silencieuses ont lieu. Impossible d'en saisir les revendications. Des
stands sont montés pour réclamer la réunification des deux Corée.
Ceux-là rendent hommage aux victime d'un dramatique naufrage de
ferry. Une fête morbide !
Comme
partout en Corée, des stands de bouffe.
Une
grosse averse nous oblige à nous abriter dans un Starbucks Coffee.
A
la faveur d'une accalmie, nous visitons un temple bouddhiste, niché
au pied des buildings et orné de milliers de fleurs.
Des
caméras surveillent le lieu. Nous en avons vu partout en Corée,
aussi bien à la ville qu'à la campagne. Le pays est sous haute
surveillance.
Encore
une quinzaine de kilomètres à pied aujourd'hui...
29/10/18
Nous
retournons au petit temple bouddhiste, éclairé désormais pas une
jolie lumière matinale.
Nous
visitons le Gyeongbokgung Palace où nous assistons par hasard à la
relève de la garde. Les gardiens, affublés de fausses barbes,
répètent inlassablement le cérémonial.
Encore
et toujours, les couleurs automnales et des costumes enchantent le paysage.
A
pied, puis en téléphérique, nous rejoignons l'esplanade qui domine
la ville.
Depuis le promontoire, on distingue les bâtiments et les
montagnes environnantes, mais aussi le fleuve Han au bord duquel
nous distinguons cette fameuse piste cyclable.
Nous
attendons deux heures que le ciel se découvre. Le soleil en plus, la
lumière est moins belle finalement.
Nous
redescendons en ville et arpentons sans relâche l'immense marché à
la recherche de petits cadeaux pour nos proches et de photos à
prendre.
Les
petites artères cachent des restaurants minuscules, certains n'ont
qu'une seule table. Les rats y grouillent, peut-être finissent-ils
dans l'assiette...
Il
fait déjà nuit. Nous retournons à pied à l'hôtel. Nous nous
perdons évidemment et les coréens rencontrés peinent à comprendre
notre prononciation.
Peu
avant de rejoindre notre but, nous traversons un petit quartier
traditionnel aux maisons basses.
Belle
ambiance.
30/10/18
Il
est 5h00, je bois mon café sur le perron de l'hôtel en attendant le
taxi. La supérette en face est ouverte 24h/24 . En ce petit matin,
des coréens poussent des charrettes transportant des cartons.
Le
chauffeur de taxi s'évertue à trouver notre numéro de vol sur son
smartphone. Fort heureusement car nous nous étions trompés
d'aéroport.
2h30
de vol jusqu'à Pékin, 3 heures d'escale, 11h15 de vol jusqu'à
Paris, 8 heures de décalage horaire...
Je
suis abasourdi à Paris... Des vacances ? Non, un voyage... Et
quel voyage !
« Alors
pourquoi la Corée du Sud ? »
Pas
pour les paysages ni pour la gastronomie assurément... Pour les
coréens et leur culture, pour les villes de Séoul ou Busan sans
aucun doute. Vous l'avais-je déjà dit ? Il existe une piste
cyclable extraordinaire qui traverse le pays du nord au sud...