Quinze jours, du 6 au 20 février 2003, pour tester
la neige nord-africaine, pour effectuer l'ascension puis la descente à ski des
deux géants de l'Atlas : Le Djebel Toubkal ( 4167 m ) et le M'Goun ( 4088 m ).
Récit d'une aventure au Maroc, ce pays où les montagnes plongent dans le
désert, et le désert dans la mer, ce pays où les itinéraires mènent aussi et
surtout au cœur de soi et des autres…
06/02/2003
06/02/2003
Décollage avec une heure de retard, les salariés d'Air Lib manifestent sur
les pistes... Trois heures plus tard, nous atterrissons à Marrakech. Palmiers,
soleil, prières et garde royale sont au rendez vous.
Nous négocions de suite un taxi pour Imlil, dernier village au pied du Toubkal. Nous apprenons déjà, ce que
signifie négocier au Maroc...
Imlil,
petit village en bout de piste, niché à 1800 m, Imlil avec sa place, ses vieux
qui y discutent, ses maisons en terre, ses enfants barbouillés, sa mosquée et
surtout ses montagnes. Le taxi nous dépose, un homme nous interpelle, nous irons dormir chez lui.
07/02/2003
Nous partons vers 9 heures, accompagnés de la mule et du muletier que nous
avons engagés pour monter jusqu'à la limite des neiges, vers 2800 m.
Nous
doublons 5 suédois dans la montée, puis au bout de quelques heures sur des
sentiers escarpés, nous parvenons en fond de vallée, la mule ne peut aller plus
loin.
le refuge est à une heure encore, nous sommes désormais lourdement chargés ( + de 30 kg ).
Une bonne heure plus tard, nous atteignons le refuge du Toubkal, devant
lequel nous dûmes négocier ( encore ) pour planter la tente à ses abords.
Nous en profitons pour tester la neige marocaine sur quelques centaines de
mètres...
20h00, nous sommes couchés depuis déjà 1h30, le mot
"silence" prend toute sa signification.
08/02/2003
Nous partons vers 7h00 pour tenter l'ascension du Djebel Toubkal ( 4167 m
).
Nous évoluons dans une longue vallée, dans le prolongement du refuge, la
neige est au rendez vous...
Nous sommes seuls.
Nous atteignons un col à 3800 m, et après vérification sur la carte, nous
ne sommes pas dans la bonne vallée.
Qu'importe,
nous allons effectuer l'ascension d'un autre sommet, le Djebel Ouanoukrim (4089
m).
Au bout de 100 m, Gatien à des problèmes de crampons, il doit redescendre,
je continue tout seul sur l'itinéraire mixte, pas toujours facile à trouver.
Je rejoins Gatien deux heures plus tard, puis, après avoir croisé un guide
et deux clients australiens, nous nous engageons dans la combe pour 600 m de
descente dans une neige parfois bonne, souvent mauvaise...
Nous regagnons la tente, puis nous négocions la mule pour le retour.
Nous ferons le Toubkal demain.
Après pris l'inévitable thé à la menthe et la discussion sur le
matériel technique avec le guide rencontré( en voyant les fixations des skis :
" tu troques ?" ), nous allons nous coucher.
09/02/2003
Départ à la frontale à 6h15, il fait -5°c dans la tente, -10°c à
l'extérieur. Nous sortons difficilement de nos duvets encore chauds.
Toute la
pente est gelée, je monte en crampons, Gatien galère un peu avec ses raquettes, ce qui lui vaudra quelques frayeurs...
Je les garde jusqu'au col (3900 m) que nous atteignons 2h30 plus tard.
A
cette altitude, le vent est très violent, le flancs de la montagne dégarnis et
la température doit être inférieure à -15°c.
Nous laissons au col nos skis et nous engageons sur la crête qui permet
d'atteindre le sommet.
Une heure de vent, de cailloux, de poussière plus tard, nous sommes au
sommet du Djebel Toubkal, sommet du Maroc et accessoirement, plus haut sommet
d'Afrique du Nord (4167 m).
Nous restons 15 minutes à contempler les terres arides que nous dominons,
la plaine de Marrakech à l'ouest et les déserts rocailleux à l'est.
Nous reprenons nos skis au col puis entamons la descente dans une neige
dure.
1h30, nous sommes à la tente, 12h30, le camp est
démonté, nous partons à la rencontre de notre mule.
Nous arrivons vers 16h00 à Imlil, fatigués et surtout affamés. (1 litre de
thé dans le ventre depuis 5h30 le matin ). Le soir, nous sommes invités chez
Mohamed (rencontré 2 jours plus tôt) pour y déguster un couscous "préparé
par les femmes".
20h30,
nous nous écroulons de fatigue dans de vrais lits.
10/02/2003
Mohammed a réservé un taxi, nous devons rejoindre
Agouti, dans le haut Atlas Central (environ 7 heures de route négociées 2000
dh, environ 200€ AR).
Nous faisons quelques achats en traversant Marrakech,
puis poursuivons vers le nord. La route est interminable, jusqu'à Azilal, puis
beaucoup plus impressionnante à l'approche des montagnes enneigées du Haut
Atlas Central (massif du M'Goun). Les amandiers en fleur nous y accompagnent.
Nous arrivons à Agouti sans avoir prévu
d'hébergement.
Un homme
arrive.
"Peut-on dormir quelque part ici ?"
"Attendez. "
Il
s'en va, revient, nous fait signe de le suivre, frappe à une porte.
"Vous
dormirez chez eux le temps que vous voulez."
11/02/2003
Nous partons à 5h30 avec
le muletier. Après 3h30 de marche, nous parvenons à un col à 2800 m, le
muletier nous laisse là. Il nous indique hasardeusement l'éventuel itinéraire
possible, notre carte semble tout aussi imprécise.
Plusieurs solutions
s'offrent à nous, nous optons pour la moins pire...
Nous remontons la combe
puis un long couloir jusque 3400 m en espérant trouver et pouvoir gagner le
plateau de Tarkeditt...
Après 3h30 de montée,
chargés de 25 kg, dans une neige parfois profonde d'un mètre, nous découvrons
du haut du col, le plateau de Tarkeditt.
Une heure plus tard,
nous sommes au refuge de Tarkeditt à 2950 m.
"Est ce le bon ?" Il ne
peut y en avoir qu'un mais la carte nous annonce un emplacement rigoureusement
différent.... La carte est fausse.
Nous sommes absolument
seuls sur cet immense plateau désertique. Pas d'oiseaux, pas de vent, pas de
bruit. Immensité, silence , solitude. Ce silence extrême, le vrai silence,
celui qu'on ne rencontre que rarement, jamais, celui qui devient oppressant...
Nous effectuons une
petite descente très agréable dans une neige transformée en attendant le
coucher de soleil, qui dans cet environnement magique, revêt un aspect solennel
et féerique. Nous effectuerons le lendemain une exploration du plateau pour
tenter de découvrir, le vrai-faux refuge, et repérer la voie d'accès du M’goun.
12/02/2003
7h00, nous avons démonté
le camp, nous partons en exploration. 3300 m, nous faisons demi tour, rien à
l'horizon, la carte est complètement fausse. Nous plantons la tente à l'endroit
où le matin même, nous l'avions démontée.
L'après midi sera consacrée au repos
et à l'hydratation de nos pauvres corps.
19h00, prêts à dormir.
13/02/2003
" Nous avons passé
2 jours sans voir personne"
" Une voix, j'ai
entendu une voix ! "
Nous tendons l'oreille,
et je sors la tête de la tente.
Dans l'immensité de ce
plateau, je parviens à distinguer une frontale aux piles usées qui évolue
lentement vers notre camp. Il s'agit d'un guide marocain, accompagné de son
client français... Nous leur prêtons briquet, réchauds et gamelles ( ?! ). Le
guide nous confirme que nous sommes au bon endroit et nous indique l'accès pour
le M'Goun. Il nous précise qu'il ne reste que peu de neige sur
l'itinéraire.
Je suis partant, Gatien non...
13/02/2003
Nous partons finalement
vers la grande combe évasée qui fait face à notre tente. Elle semble gavée de
neige. Il s'agit du Col de Tizi n'Oumasine ( 3640 m ). Nous alternons roche et
neige pendant 150m puis chaussons définitivement peu avant d'atteindre l'entrée
de la combe, 2h30 plus tard, nous sommes au col. La vue est magnifique, elle
s'étend sur tout le Haut Atlas Central, sur les plaines de l'ouest, et nous
distinguons le Djebel Sahro dominant le lac de Ouarzazate. Un thé plus tard,
nous nous élançons pour près de 700 m de descente, dans une neige souvent
agréable, avec une vue imprenable sur tout le plateau de Tarkeditt.
Nous finissons dans un
goulet chargé de neige, qui nous conduit à 500 m de la tente.
Descente mémorable !
Nous démontons la tente
dès ce soir pour gagner du temps le lendemain matin (retour là où le muletier
nous avait déposés 4 jours auparavant).
Nous dormirons dans le
refuge abandonné, malgré la poussière, la saleté et les quelques rats aperçus
ci et là... Nous nous aménageons un petit coin où nous avons dormi comme des
bébés, dérangés ni par le froid, ni par le vent, ni par les rats.
14/02/2003
Nous partons dès 6h15,
le baromètre a chuté toute la nuit, nous devons quitter le plateau (risque de
rester bloqué si le temps se gâte). Le temps est clair, mais déjà, à l'est, des
nuages viennent narguer les plus hauts sommets. 1h45 pour atteindre le col., 45
minutes de descente lourdement chargés, dans un couloir pentu et glacé.
Nous sommes au
rendez-vous avec 1h15 d'avance.
Nous chargeons les skis
et partons à la rencontre de notre muletier.
Nous le retrouvons, à 12h15, nous
atteignons Agouti. Des nuages noirs envahissent peu à peu la vallée...
Après nous avoir préparé
une énorme tagine, notre famille d'accueil nous laisse les clés de la maison,
c'est vendredi, ils partent déjeuner dans la famille.
Le baromètre chute...
Notre famille rentre
vers 16h00, et nous parlons argent avec le chef de famille.
"combien veux
tu?"
"tu donnes ce que
ti veux"
Finalement après
plusieurs minutes, nous les payons gracieusement, étonnés par l'hospitalité et
la chaleur de ces gens. Dans l'après midi, la fête du mouton semble faire
des ravages... Dans le salon où nous nous sommes installés, c'est un véritable
défilé de la famille: mal de ventre, de tête, de dos... Nous leur donnons
prudemment quelques aspirines.
Le soir, nous dînons
dans la salle à manger, avec la famille, avec chaleur et...avec les doigts.
A l'extérieur, la neige
tient à 1800 m, nous l'avons échappé belle !
Nous avons rendez-vous avec le taxi, demain à 5h00,
je doute qu'il puisse venir jusqu'ici...
Inch'allah.
15/02/2003
Réveil 5h30, nous
attendons le taxi.
Il a neigé toute la
nuit, nous faisons le tour d'Agouti, recouvert de neige.
Dans quel sens se lit
cette photo ?
Finalement, vers 9h00,
Mohammed nous emmène en 4x4 à Azilal, avec quelques villageois.
Vers 10h00, sur
la route enneigée, nous croisons un taxi sur le bas coté. Mohammed, notre
chauffeur ne veut pas s'arrêter, il est pressé. Arrivé à Azilal, le taxi nous rejoint,
il s'agit de Baziz, notre chauffeur de taxi. Il est furieux. Après avoir calmé
les esprits (tâche peu facile), nous décidons de retourner avec Baziz à
Marrakech.
Le pauvre Baziz n'a pas mangé ni dormi de la nuit, Merci Baziz.
Nous
atteignons Marrakech, vers 14h00, nous avons rendez-vous avec Mohammed,
rencontré à Imlil, il n'est pas là, nous optons pour un hôtel que nous
conseille Baziz.
Nous louons de suite une voiture pour le lendemain.
16/02/2003
16/02/2003
Direction plein est, nous envisageons d'aller en 2
jours à Merzouga (à 25 km de la frontière avec l'Algérie), pour skier dans le
Sahara.
12h00, la voiture arrive, 12h30 nous partons.
J'ai quelques difficultés à m'accoutumer à la
conduite dans Marrakech que nous quittons assez rapidement, pour passer le col
de Tichka. Le col est passé non sans encombre (neige, éboulements, chauffards,
bouchons, poids lourds, mules...). Nous quittons l'Atlas, pour gagner la
désertique Ouarzazate.
Après 6 heures de montagne, de déserts de roches et
de palmeraies, nous trouvons un petit hôtel à Boumalne du Dadès.
17/02/2003
Départ matinal (6h30), nous assistons à un
surréaliste et magique coucher de lune sur fond d'Atlas enneigé.
Nous traversons d'immenses étendues désertiques,
sur des routes rectilignes à souhait.
Nous passons Erfoud (ville étape du Paris Dakar),
puis, après avoir repoussé quelques propositions insistantes d'excursions dans
le désert, nous atteignons le bout de la route, nous atteignons le bout
du monde, Merzouga.
Désormais, des kilomètres et des kilomètres de sable, des
dunes à perte de vue.
Nous choisissons l'Hôtel Merzouga, l'Hôtel, face aux
dunes les plus imposantes.
Il est 11h00, juste le temps de nous faire 300 m de
dénivelé, en skiant 2 fois cette énorme dune qui se profile à l'horizon.
Le sable est humide (il a plu la veille), les
courbes s'enchaînent avec vitesse, la trace est visible, que du bonheur !
La montée est cependant fatigante, les appuis sont
fuyants dans un sable aussi fin.
Nous déjeunons, vers 16h00, nous repartons
rider le Sahara, jusqu'au coucher du soleil.
Des Touaregs nous attendent des heures au pied de
la dune pour nous vendre des fossiles véritables.
Nous rencontrons deux français, Guillaume et Marie,
ils viennent de Paris, nous assistons au féerique coucher de soleil, instant
éphémère, mais d'une rare intensité. Nous effectuons une dernière descente
nocturne, puis nous dînons avec nos amis français.
18/02/2003
6h40, nous attendons le lever de soleil,
accompagnés de quelques chiens errants.
Les premières lueurs apparaissent, le
soleil apparaît timidement, s'élève, se dévoile... La journée commence.
Pas le temps de (trop) s'émerveiller, nous devons
traverser tout le Maroc, pour être ce soir à Marrakech ( 600km ). Nous grattons
le pare brise ( ?! ) et prenons la route.
Nous partons, je pousse un peu (trop)
la voiture dans les longues lignes droites, puis après un petit contrôle
routier en bonne et due forme: "vous rouliez un peu vite, non ? ",
nous passons Ouarzazate et le col de Tichka sans encombre.
Quelques tours et
détours dans la médina de Marrakech, nous sommes sortis d'affaire par un gamin
à vélo.
Dernière journée à Marrakech, nous en profitons
pour déambuler dans les souks odorants de mille épices, s'émerveiller sur la
place Djemaa el Fna (certainement le plus grand théâtre de rue du monde). Les
touristes arpentent tant et plus cette place, mais à bien l'observer, on se
rend compte que les charmeurs de serpent, les acrobates, les dresseurs de singe
et surtout les conteurs, charment tout aussi les marocains. Nous croisons par
hasard Guillaume et Marie, dînons avec eux, allons fumer la chicha et faisons
nos bagages.
20/02/2003
Retour difficile, bienvenue à Orly Sud, quand
repart-on ?
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