Ascension du Hvannadalshnukur (2119 m et point culminant de l’Islande), du Hekla (1491 m).
L’expédition
au Groenland est annulée 15 jours avant de partir car mon compère Gatien a
quelques soucis de santé, je rejoins donc un groupe Allibert pour skier les volcan
du sud de l’Islande. Huit jours de péripéties sur une île où les éléments se
déchaînent, où le feu, la glace et l’océan s’associent pour imposer les lois de
la nature aux Hommes, une nature austère, violente mais terriblement
authentique… L’histoire d’un groupe de skieurs qui au gré des tempêtes,
revendiquent leur solitude au beau milieu de l’océan l’Atlantique, où l’Homme
ne semble pas avoir sa place…
11/04/2004
J’ai
rendez-vous avec le groupe à 11h45 à Roissy, je suis rejoint par
Marc, Clarissa et Hélène, les autres sont en transit par Londres.
Nous décollons à 14h30 et atterrissons trois heurs plus tard à
Keflavik sans la moindre trace de neige… Transfert jusqu’à
Reykjavik.
Reykjavik
est une de ces villes qui font penser au bout du monde : des maisons
multicolores, des rues désertes, l’omniprésence de l’océan et
des montagnes ; nos montagnes qui se profilent à l’horizon.
Première
autochtone que je rencontre : Björk ! Je lui demande mon chemin en
espérant qu’elle ne sache pas que je l’ai reconnue puis après
une balade ventée, nous allons dîner au restaurant.
L’Islande
est chère : 45 € pour une pizza et deux bières !
12/04/2004
13/04/2004
14/04/2004
15/04/2004
19/04/2004
12/04/2004
Départ
prévu à 8h00 avec notre guide islandais, Jökull.
Départ
effectif à 11h30 après avoir modifié le programme par
rapport à l’enneigement des massifs, une crevaison, le changement
de deux roues, l’attente de deux paires de skis qui semblent s’être
perdues à Londres et la récupération express de matériel de
montagne.
Nous
nous échappons de Reykjavik et là plus rien… des kilomètres et
des kilomètres de plateaux, de plaines, de vallons. De la neige, pas
encore … Le taux d’humidité doit avoisiner les 100%, le paysage
est magique, austère, presque maléfique. Les cascades libèrent
leurs eaux avec fracas, les fermes et les maisonnettes semblent
écrasées par le poids d’une nature omniprésente, étouffante.
Méditation
sur les plages de sable noir de Vik, village le plus méridional
d’Islande duquel les montagnes et les falaises se jettent dans la
mer.
Après
avoir traversé un interminable désert, nous arrivons au pied du
glacier skinafellsjökull, une immensité glaciaire de plus de 8500
km² qui en fait le plus grand glacier d’Europe.
Notre
Lodge repose au pied d’une de ses imposantes langues de glace.
Nuit
au Lodge.
13/04/2004
Réveil
difficile à 8h00, un rapide coup d’œil sur le ciel pour
s’apercevoir que les conditions climatiques ne sont pas
engageantes. Quelques minutes plus tard, le ciel est bleu, bienvenue
en Islande, la météorologie n’y a rien d’une science exacte…
Nous partons en 4x4 nous verrons bien…
Virage
à gauche, nous prenons une piste qui raidit à vue d’œil.
Désormais la neige recouvre ce qui à priori est une piste. Nous
sommes dans un brouillard tamisé, la lumière est surréaliste. Nous
apercevons de temps à autres les reflets scintillants de la mer
toute proche.
700
mètres, le bout de la piste, nous nous préparons dans la tempête
et partons.
Petit
à petit, le fantastique paysage se dévoile : la mer, les plages,
les sommets enneigés et … les bourrasques de vent.
A
deux reprises, les rafales à plus de 160 km/h me couchent, le froid
est cinglant, la visibilité plus que fluctuante.
Nous
poussons jusqu’à une petite bosse vers 1250 m, les perspectives
qui s’offrent à nous sont sans limite, mais le vent qui sévit sur
les crêtes nous impose de redescendre. Une
descente mémorable, face à la mer, l’instant est irréel,
surnaturel…
Après
une trentaine de minutes, nous rejoignons le 4x4 puis la route n°1.
Celle
ci nous mène aux icebergs du glacier vatnajökull. Il ne s’agit
que de l’une des innombrables ramifications de ce glacier, et
pourtant, l’espace est infini, indéfinissable, indescriptible. Le
lac dans lequel se jette le glacier est le refuge de milliers
d’icebergs qui, inexorablement sont attirés vers la mer.
Nous
regagnons le Lodge avec des images plein la tête, une journée forte
et intense !
14/04/2004
Lever
à 4H45.
Nous
prenons le 4x4 qui nous mène au pied de la voie à 30 mètres
d’altitude (!) à 6h30. Programme de la journée : le point
culminant de l’Islande : le Hvannadalshnukur qui
pointe à 2119 m d’altitude soit quasiment 2100 mètres de dénivelé
positive et autant à la descente !
Nous partons sous la pluie…
Vers
150 mètres, la pluie s’arrête, il commence à neiger…
Vers
600 mètres, alors que la neige a recouvert tout notre itinéraire,
le soleil apparaît, timidement puis franchement. Il éclaire la
crête sur laquelle nous venons de prendre pied, l’océan et notre
moral.
A
700 mètres, nous chaussons les skis et nous engageons dans une
petite combe de neige fraîchement déposée et délicieusement
poudreuse.
Les
perspectives sur l’océan sont magnifiques !
Nous
franchissons un col à 1000 mètres d’altitude puis entamons la
montée d’une grande pente, une ligne droite, terriblement droite…
Les
sensations sont bonnes, la vue est magnifique, l’isolement total.
Arrivés vers 1600 mètres, le temps se couvre, en l’espace de 15
minutes la visibilité est nulle.
Nous
parvenons vers 1800 mètres à cet énorme plateau glaciaire, plateau
que nous ne verrons pas. La traversée est longue et le GPS est bien
utile.
Une
bonne heure plus tard, nous arrivons comme dans un rêve, face au
sommet tant convoité, il se découvre à mesure que nous nous en
approchons.
Jökull
est septique quant aux conditions avalancheuses, nous ferons
demi-tour si besoin est. Nous chaussons les crampons et, en moins
d’une heure, par un froid cinglant, nous sommes au sommet, 9h10
après avoir quitté la mer. Il est 15h40.
La
visibilité est nulle puis petit à petit, les milliers de km²
de glace qui nous entourent se dévoilent, nous sommes au sommet de
l’Islande à 2119 m.
Nous
redescendons de cet îlot ; rechaussons les skis et la tempête se
lève ( se rerelève !). Je ne vois pas à 10 mètres et les flocons
de neige semblent nous lapider, nous mitrailler à mesure que nous
avançons. Nous devons traverser une nouvelle fois cet immense
plateau de plusieurs kilomètres, nos traces de montée sont effacées
et les précipices et crevasses qui le bordent sont invisibles…
Jökull
s’arrête à maintes reprises, les yeux rivés sur le GPS, nous l
‘aidons par nos indications à maintenir le cap.
Après
une heure de déambulations, nous remarquons des traces dans la
neige. Ce sont les traces que nous avons laissé quelques heures plus
tôt lors d’une pause à la montée. Le vent forcit, la neige
redouble, nous entamons la descente. A mesure que nous nous éloignons
du plateau, les conditions climatiques deviennent plus clémentes,
moins violentes en tous cas. Nous nous décordons, enlevons les peaux
et quelques minutes de glisse plus tard, la mer ! l’océan
scintille au milieu des rafales, la voûte céleste s’embrase, les
nuages défilent… 1000 mètres de descente dans une poudreuse
magique, l’instant est extraterrestre, de quoi nous laisser des
souvenirs impérissables.
Nous
déchaussons vers 700 mètres, je pars devant avec Hélène et
finissons à pied entre mousses et ruisseaux. Marc a de grosses
douleurs aux genoux, je lui porte un ski et son piolet.
20h30,
14 heures après avoir quitté l’océan, nous sommes au 4x4,
fatigués, lessivés mais excités d’être revenus du sommet de
l’Islande, dans un décors tellement majestueux qu’il y paraît
irréel.
Nous
regagnons le Lodge, sous le charme des images et des instants vécus
entre neige et glace, entre montagne et océan, entre le ciel et la
terre.
La
tempête que nous avons essuyé sur le plateau gagne peu à peu la
vallée.
15/04/2004
Toute
la nuit le vent a soufflé, les rafales atteignent 180 km/h, les murs
tremblent, mont lit bouge, la route n°1 ferme.
A
9h00, il n’est plus question de quitter le lodge.
Nous
partons avec Marc et Clarissa en haut de la butte qui domine le
Lodge, le vent souffle à 200 km/h en rafale, je ne peux pas tenir
debout plus de cinq secondes, ils s’engouffre, nous déshabille…
Je
suis un oiseau, je m’élance de la butte et le vent m’empêche de
subir les lois de la gravité, je vole ! l’instant est surréaliste
!
Jökull
a préparé la remorque, nous allons tenter de passer le désert de
sable.
Nous
distinguons l’énorme nuage de sable, nous nous en approchons, nous
sommes dedans, nous ne voyons plus la route, les rafales qui
dépassent les 200 km/h charrient le sable, le 4x4 penche, la
remorque vacille… les conditions sont apocalyptiques !
50,
100, 200, 300 mètres, la remorque se couche, le 4x4 s’immobilise,
le sable mitraille les vitres…
Jökull
se gare sur le bas coté, pendant quinze minutes, nous restons
immobilisés. Marc et Jökull détachent la remorque, nous la
laissons dans la tempête.
Retour
à la case départ sans nourriture, sans bagages et sans skis. Le 4x4
est criblé, nous apprenons qu’une voiture a tenté la traversée
et que toutes ses vitres ont volé en éclat.
Après
quelques heures d’attentes, nous apprenons qu’un poids lourd doit
passer pour rejoindre Reykjavik. Nous allons tenter de retourner à
la remorque pour libérer les sacs et les mettre dans le camion. La
tempête ne s’est finalement pas calmée, Jökull veut effectuer
une nouvelle tentative.
Rien
n’a changé sur place, Jökull gare le 4x4 à 100mètres de la
remorque, là où le vent paraît moins fort. Marc et Jökull courent
ouvrir la remorque, nous les rejoignons, luttant contre le vent et
les éléments.
Nous
tenons à peine debout mais nos aller-retour incessants nous
permettent de ramener les bagages à l’abri derrière le 4x4.
Hélène se couche sur les sacs pour éviter qu’ils ne s’envolent.
Le sable nous fouette le visage, le vent nous couche, le camion
arrive, il faut faire vite… Je monte à l’arrière, il s’agit
d’un camion de poisson, l’odeur le confirme. J’entasse tant
bien que mal les bagages et les skis au milieu des bacs, mes
pellicules sont saines et sauves c’est le plus important…
Nous
remontons dans le 4x4 et prenons la route pour Hella.
Nous
essuyons une dernière tempête mais celle ci n’a pas de fâcheuses
conséquences.
2h30
plus tard, nous sommes à Hella, le camion arrive 30 minutes après
nous, je récupère les bagages avec Jökull.
Nous
observons pendant près d’une heure des aurores boréales, ces
spectres verts qui ondulent au gré des vents solaires, l’instant
est magique, hors du temps et de l’espace.Nous dînons, puis vers
1h45 je me couche après cette journée intense et condensée…
16/04/2004
Lever
à 8h00, le temps est magnifique.
Nous
partons pour le sommet de l’Hekla, un volcan actif de 1491 m, qui
domine le village de Hella.
Après
une heure de piste chaotique, Jökull gare le 4x4 à la limite de la
neige vers 500 m d’altitude, le temps se couvre doucement.
Nous
commençons l’ascension dans une énorme coulée de lave, nous
peinons à trouver de la neige. Nous rejoignons un grand plateau vers
900 mètres, il se met à neiger.
Arrivés
vers 1300 m, la neige s’intensifie, la visibilité se réduit.
Nous
arrivons à ce que Jökull pense être le sommet. La visibilité est
nulle, Jökull s’y prendra à trois fois pour trouver le véritable
sommet. Nous y arrivons, sommet de l’Hekla, 1491 mètres
d’altitude.
Alors
que la température avoisine les –10°c et que la neige tombe à
gros flocons, nous apercevons au bord du cratère une bande de pierre
volcanique apparente.
Je
creuse 20 centimètres, de la fumée se dégage, la température y
est d’environ 40 °c ! Je m’assieds quelques instants de ce
fauteuil chauffant.
Nous
ne voyons pas à 10 mètres, Jökull, après plusieurs tâtonnements,
retrouve les skis laissé à la montée, la descente se fait dans la
tempête sur de la neige hétérogène et parfois de longues portions
de glace.
Nous
regagnons le 4x4, la piste est désormais recouverte de neige.
Nous
arrivons vers 20h00, puis filons Joël, Marc, Bruno et moi, à la
piscine d’eau chaude naturelle ( en plein air ), où les 40 °c du
bassin nous font oublier les 0°c de l’air.
Nous
dînons accompagnés de la copine de Jökull, le gigot de mouton
restera mémorable !
17/04/2004
Beaucoup
de vent ( pour changer ) aujourd’hui, nous décidons de ne pas
faire de ski. Nous partons vers Gulfoss, une énorme chute
d’eau qui s’engouffre dans des gorges encaissées , nous y voyons
pour la première fois depuis une semaine des touristes…
L’étape
suivante est Geysir, une petite bourgade qui est devenue un haut lieu
touristique pour ses fameux geysers ( le nom provient de ce village
).
Rien
de très impressionnant, c’est surtout par curiosité que nous
observons ces colonnes d’eau bouillantes s’élever vers le ciel.
Nous
terminons notre visite touristique par Tingvellir , accessoirement
lieu du premier parlement au monde, mais surtout une énorme faille
qui entaille l’immensité ( celle qui sépare le continent
américain et le continent européen ), un lac immense sur fond de
montagnes enneigées et des perspectives infinies…
Le
lieu dégage une sérénité et une quiétude qui terminent à
merveille ce périple. Nous rentrons à Reykjavik et quittons avec
regret Jökull.
Marc
insiste pour aller à Blue Lagoon, une piscine naturelle en plein
air. Réticent et fatigué, je me laisse avoir par cet
attrape-touriste, Bruno loue une voiture ( qui nous servira demain )
et nous prenons la route.
L’endroit
est finalement magique. Nous sommes au milieu de champs de lave et de
volcans, l’eau est d’un bleu presque artificiel et atteint 45 °c
par endroits. Les fumerolles donnent un aspect surnaturel à
l’instant.
Après
cette semaine un peu folle, le bain nous remet sur pieds. Nous
finissons à Reykjavik à boire des bières et à s’échanger nos
adresses.
18/04/2004
Hélène,
Marc, Clarissa et Joël nous quittent, je reste avec Bruno.
Nous
prévoyons de faire le tour de la péninsule de Reykjanes. Nous nous
dirigeons vers Harfnarjördur, un petit port de pèche dominé au
loin par les cimes enneigées. Nous gagnons par la piste, le lac de
Keflavatan. Le bleu vif de ses eaux contraste avec le ton ocre des
montagnes qui le bordent.
Nous
allons observer des fumerolles qui le jouxtent. L’odeur du souffre
(d’œuf pourri) est infecte mais l’endroit vaut le détour. La
route se poursuit et nous passons devant une petite, minuscule église
battue par les vents au milieu de nulle part … Je tourne la grosse
clé et la porte s’ouvre en grinçant.
L’intérieur
est logiquement minuscule mais d’une profonde intimité.
Nous
continuons vers l’Ouest, passons Grindavik avant d’arriver au
phare de Reykjanesviti, le plus ancien phare d’Islande ( 1878 ). Le
vent est violent, les éléments déchaînés et la piste chaotique.
Nous remontons vers le nord, passons Hafnir puis Reykjavik. Encore de
nouveaux horizons, un isolement finalement habituel et des paysages à
couper le souffle. Nous devons rendre la voiture et je dois trouver
où me loger. Finalement je négocie avec le patron de la guesthouse
de Bruno, je passe de 4900 kr à 2000 kr…
Nous
allons dîner au restaurant avec Bruno, je dis au revoir à Reykjavik
pour préparer le au revoir à l’Islande du lendemain.
19/04/2004
Retour
à contre-cœur à Paris…