31/07/2022
Il est à peine 7h30 ce matin que je suis déjà dans le métro qui me mène à Alvabari Station. C'est là que je prends un mashrutka qui doit m'emmener en Arménie (Ami) après 5 ou 6 heures de route.
Je m'achète une bricole à grignoter, déjà, le taxi est plein, tout le monde m'attend. A peine monté, il part sur les chapeaux de roues.
La frontière est passée très rapidement.
Moi qui ne suis pas malade dans les transports, je me découvre cette fragilité sur les routes arméniennes. « Là ? Tu ne peux pas doubler ! Tu y vas quand même ! ». La roulette arménienne, une variante de la roulette russe, sans doute encore plus risquée car elle implique tous les passagers involontaires...
Nous longeons la frontière de l'Azerbaïdjan (Ennemi, l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont en guerre depuis 1991 pour la conquête du territoire arménien du Haut Karabagh).
Arrivé à la station de bus, je prends un taxi qui ne comprend pas où je souhaite aller. Il n'a pas de gps sur son vieux téléphone. Je lui prête le mien mais me rends compte qu'il ne voit rien du tout, il ne parvient pas à lire l'écran. C'est donc peu rassuré que je le guide jusqu'à cette petite ruelle en banlieue de Yerevan où vivent mes hôtes, la famille de Sonna avec qui j'ai déjà échangé sur whatsapp.
La maison est sommaire, brinquebalante, ma chambre également mais elle est plutôt grande. Ce vert soviétique flanqué sur les murs et ces planches disjointes me vont à ravir.
Je pars aussitôt à pied rejoindre le centre ville. Yerevan étant une petite ville, à 4 kilomètres, je suis déjà dans la banlieue de la capitale. Je longe donc une nationale encombrée, passe au pied de barres d'immeubles soviétiques délabrés, entre dans la Cathédrale Saint-Grégoire l'Illuminateur pendant un mariage et rejoins la place de la République sous une chaleur accablante.
Comme en Géorgie, le parc automobile m'interpelle. Au delà de la conduite singulière des chauffeurs, les voitures ont différentes spécificités que l'on retrouve dans les deux pays.
La première est qu'elles ont le volant à gauche ou à droite. Effectivement, dans le Caucase, les voitures sont importées d'Europe, des États-Unis mais aussi du Royaume Uni ou du Japon, pays dans lesquels le volant se trouve à droite.
La spécificité suivante réside dans le fait qu'un grand nombre de véhicules n'ont plus de pare-choc à l'avant ou à l'arrière. J'imagine qu'en cas d'accident, celui-ci n'est pas remplacé.
Enfin, tout comme à Tblissi, il est courant de croiser de vieilles Lada ou autres voitures soviétiques dont on se demande comment elles peuvent encore avancer. On voit cependant très fréquemment (des dizaines par jour) des voitures de luxe, des modèles rutilants valant plus de 200 000 euros...
Mosquée bleue, place de La Liberté, Opéra, Place Charles Aznavour... Les longues et belles avenues qui quadrillent la ville sont très agréables.
J'ai un coup de chaud, je m'engage dans l'unique ligne de métro et prends la direction de Sasuntsi David, la gare la plus proche de mon logis.
Les quais et la rame sont impeccables et climatisés. Comme à Tbilissi, les escalators sont vertigineux tant ils s'enfoncent profondément. A leurs extrémités, une cabine dans laquelle un employé surveille le bon comportement des passagers. On y accède avec des petits jetons en plastique façon puissance 4.
La gare soviétique de Sasuntsi David est imposante, massive, monumentale.
01/08/2022
L'objectif du jour est de rejoindre à moindre coût le lac Sevan que j'ai longé en Mashrutka lorsque je suis venu de Géorgie.
Hier, un tour opérateur m'a proposé le transport pour 60 euros.
Je prends le métro et saute dans le premier mashrutka en partance pour Sevan.
Les arméniens doivent avoir des abdos en béton. A chaque virage, je m'agrippe pour ne pas basculer. Les autres passagers, eux, ne bougent pas d'un millimètre. Certains dorment et ne semblent pas subir les soubresauts et la force centrifuge qui m'est imposée à chaque virage.
Après une heure de route, j'arrive dans cette ville décrépie et glauque à souhait. Je hèle le premier taxi venu et lui demande de me déposer à Sevanank, un monastère juché sur une colline dominant le lac.
Il propose de m'attendre et de me ramener après la visite. Il ne comprend pas que je projette de parcourir les 7 kilomètres du retour à pied. Il m'explique incrédule et amusé que personne ne marche ici...
Sevanank est un bel endroit, une petite péninsule comprenant deux jolis monastères dominant les eaux turquoises du Lac Sevan situé à 1900 mètres d'altitude.
Au pied de la colline, une petite station balnéaire. Les installations sont passées, rouillées. Elles me font penser aux plages du Lac Ohrid en Macédoine. Un autre temps...
J’entreprends donc mon retour à pied en prenant droit dans la colline. Assez rapidement, je me fais rattraper par un 4x4 dont le chauffeur me propose de me ramener en ville. Lui non plus ne comprend pas que je veuille marcher.
Je traverse un village désert, un village sans asphalte où il n'y a rien à voir. J'adore les endroits où il n'y a rien à voir. Souvent, dans ces lieux, on y observe la vie telle qu'elle est, on se fond dans l’environnement, vivre l'instant plutôt que voir à tout prix. Des bicoques, des jardins, ces tuyaux de gaz si caractéristiques des anciens pays de l'URSS... Ils longent, traversent les routes et contournent les obstacles. Ils sont omniprésents, indispensables. Comment n'y a-t-il pas davantage d'accidents ? Une fuite et tout explose...
Je retrouve Sevan, toujours aussi sordide, me pose quelques instants pour déjeuner et engloutir des litres d'eau fraîche.
Une petite heure d'attente et quelques minutes de cohue avant de pouvoir monter dans un mashrutka en direction de Yerevan.
Trois stations de métro, vingt minutes de marche et je suis de retour chez moi. Au final, cette escapade m'a coûté 4 euros en transport...
Je retrouve mes hôtes qui vivent en famille dans cette maison tarabiscotée. Les oncles et tantes, les grand-parents, les cousins, ils sont tous là à circuler dans tous les sens.
23h00, je suis assoiffé par la chaleur qui règne dans ma chambre. Je n'ai plus d'eau, juste des bières au frais...
02/08/2022
A 4h00, je me réveille en sueur, je bois à nouveau une bière bien fraîche. Je sors fumer une clope. Un vieil homme se met face à moi, allume lui aussi une clope et me regarde droit dans les yeux. Pas un mot.
En douceur, je me dirige vers le monument emblématique de Yerevan, les cascades. Il s'agit d'une succession de fontaines dévalant de la colline. Je monte les marches, en sueur, sous une chaleur affolante. Il est 13h00. On devine la silhouette du Mont Ararat dilué par les brumes de chaleur. Le Mont Ararat est un volcan culminant à 5165 m. Il est toute l'année recouvert par les glaces et je rêve de l'approcher depuis une vingtaine d'années.
Le Mont Ararat a deux particularités étonnantes.
La première est que selon la légende, ce serait l'endroit où se serait échoué Noé avec son arche.
La seconde est que le Mont Ararat est le symbole absolu de l'Arménie. Il figure sur les bouteilles d'eau, les billets de banque, dans les publicités... Il fut cependant subtilisé par la Turquie en 1921. Il est désormais en territoire turc.
A cette heure-ci, il est quasiment invisible, je reviendrai un peu plus tard...
Je me dirige vers le Centre Charles Aznavour. Il semble fermé depuis bien longtemps...
Je prends ensuite la direction du mémorial du Génocide Arménien, situé à 6 km à pied de l'endroit où je me trouve.
Encore une fois, il n'y a que moi qui marche dans ces zones où les attractions touristiques n'existent pas.
Je traverse un parc et longe un complexe culturel qui semble à l'abandon.
Entre 1915 et 1923, ce sont près d'1,5 million d'arméniens qui ont été déportés et exterminés par les turcs. Le mémorial et le musée se trouvent au sommet d'une colline qui domine la ville.
Les arméniens viennent y fleurir une flamme continue.
Peu avant l'esplanade , les « Grands de ce monde » ont planté un sapin. Parmi eux, Jacques Chirac, François Hollande et plus récemment Emmanuel Macron dont le sapin, minuscule, n'a pas encore eu le temps de se développer.
Je redescends dans la ville. Le Mont Ararat est encore à peine visible du pont de la Liberté.
Je récupère une petite heure dans les jardins ombragés puis reprend la direction des cascades. Je reste jusqu'à 20h00 au sommet. L'Ararat se dévoile timidement, il fait encore 35 °c.
Je retourne dans les rues qui se sont subitement animées. Tout le monde est de sortie et l'ambiance est particulièrement festive et détendue.
Alerte à la bombe dans le métro, rame évacuée. Il est 22h00 lorsque je m'affale sur mon lit, après 19 km de marche.
La propriétaire m'a laissé un petit ventilateur, trop mignon !
03/08/2022
Pour gagner du temps, je rejoins un tour touristique pour visiter les trois sites majeurs autour de Yerevan.
Le premier que nous visitons est Khor Virap, monastère du 7ème siècle, premier lieu saint de l'Arménie chrétienne.
Depuis 20 ans, j'ai cette image du monastère dominé par les glaces de l'Ararat.
Sitôt le bus garé au pied de la bâtisse, je fausse compagnie au groupe et rebrousse chemin sur 1,5 km pour pouvoir photographier le monastère et son volcan qui se trouve en Turquie (Ennemi).
De retour, je visite l'édifice, et notamment les cellules souterraines que l'on atteint en empruntant des échelles aussi vertigineuses que dangereuses.
Un petit lac en passant...
Deuxième arrêt, le temple de Garni. Seul temple grec subsistant en Arménie, construit en 66 après Jésus-Christ puis maintes fois détruit et reconstruit, l'édifice est un temple grec avec des colonnes. Pour moi, rien de plus, je ne suis ni ébahi, ni ému par l'édifice. Peut-être qu'après en avoir vu des dizaines, je cherche à m'émouvoir face à des nouveautés. Il faut reconnaître que le site est remarquablement placé, cerné par les canyons et les montagnes.
Enfin, la dernière halte nous permet de découvrir le monastère de Geghard, fondé au 13ème siècle, lui aussi entouré de montagnes. L'édifice a la particularité d'être en partie troglodyte. A mon sens, le plus grand intérêt de cette visite est que de nombreux baptêmes y sont célébrés au moment où je m'y trouve...
Comme tous les soirs, je transfère mes photos sur mon pc et commence le tri.
On me demande parfois si, seul, je ne m'ennuie pas. Pas un instant. Mon appareil photo est mon compagnon de voyage, il m'accompagne toute la journée, guide et oriente mon œil. Il accompagne également mes soirées. Le visionnage et le tri de mes photos font office de debriefing, de bilan des heures passées. Une sorte de dialogue silencieux.
Bonjour; je suis francais et ne parle que l'espagnol et le francais. je comprends un peu l.'anglais mais ne l'ecris pas. je suis voyageur de70 ans a velo et arrive en avion et fais tous mes deplacements dans le pays a velo . J'ai aimé votre recit sur le Caucase armenie, georgie. Est ce que ne parler que le francais et l'espagnol , je baraguine l'anglais,suffira a communiquer avec eux?
RépondreSupprimerMerci pour votre éclairage, michel
Bonjour Michel,
SupprimerJ'ai rencontré peu de gens parlant anglais et je me sus débrouillé souvent sans. Vous trouverez toujours quelqu'un pour vous aider, pas d'inquiétude !
Bon voyage !