Bienvenue sur world-blogueur.com ! Ce blog rassemble les récits et photos de mes périples et expériences près d'ici ou à travers le monde. Des voyages à vélo, en bus, en train, sac à dos, en fourgon, en famille, en montagne ou tout au nord... Consultez également ma bibliothèque qui rassemble mes comptes-rendus de lecture, et inscrivez-vous à la newsletter afin d'être informé des dernières mises à jour. Bonne route...

mardi 3 mars 2015

Sri Lanka, seul à vélo


Un vélo chargé, une carte détaillée, des plantations de thé, des temples bondés, des plages ensoleillées, des rencontres par milliers, des villes embouteillées, des bus pressés, des chiens affamés, la chaleur à supporter…
Récit en mots et en photos d’un périple de 1000 km, seul et à vélo, sur les routes du Sri Lanka …

14/02/2015

Vol matinal dans un Airbus A330 de la compagnie Saudi Airlines.
Dans le film que je visionne, certaines scènes sont coupées, certains mots sont bipés, les décolletés et les bouteilles d’alcool sont floutés. Une bouteille de Badoit n’échappe pas à la censure…
7 heures d’escale à Jeddah. Je rencontre Clém, Anaïs, Johanna et Alex avec qui je passe le temps.
L’aéroport de Jeddah est minuscule et sordide. Pas de zone fumeur et les nombreux panneaux sont explicites : fumer est interdit. Pourtant, quelques heures après notre arrivée , certains passagers craquent et allument une cigarette dans le hall d’embarquement. Ici, c’est un employé de l’aéroport qui s’en grille une derrière son comptoir. Je me laisse tenter…
J’embarque tard dans la nuit à destination de Colombo.

15/02/2015

Jour : 22 km   Total : 22 km

Sommeil maintes fois interrompu. Colombo. Je récupère mon vélo espérant qu’il soit toujours entier. Taxi vers Negombo où je dois passer ma première nuit.



La chaleur ? Elle semble supportable…
J’arrive donc chez Patrick, une petite Guesthouse bon marché à deux pas de la plage de Negombo. Ma priorité, remonter mon vélo, vérifier qu’il n’est pas abîmé (ce qui peut arriver lors des voyages en soute). Le vélo est entier, je pars aussitôt faire quelques kilomètres pour vérifier le matériel, l’état de mes jambes et me faire une idée des routes sri-lankaises.
2 km parcourus et déjà, un clou de 5 cm de long transperce mon pneu. Ne me laissant pas impressionner par ce qui ressemble à un mauvais sort, j’arrête un  tuktuk, y charge mon vélo malgré les réticences du chauffeur et je retourne chez Patrick pour mes premières activités mécaniques dans le pays. Je change la chambre à air et repars.
Je longe la longue plage de Negombo et m’engage dans le formidable marché aux poissons. Les poissons y sont vendus frais et ou séchés. Dans les deux cas, l’odeur est envahissante pour ne pas dire nauséabonde.





















22 km en guise de test. Le petit bilan que j’en tire est le suivant :  chaleur : ok, état des jambes : ok, état du vélo : ok, conduite à gauche : ok, circulation anarchique, chiens errants, piétons, bouches d’égout béantes : ok, mais je devrai rester vigilant à chaque instant…
Retour à l’hôtel. Je m’allonge, je m’endors aussitôt. Je retourne sur la plage en fin d’après-midi. La foule colorée s’est massée afin d’attendre le coucher du soleil. L’ambiance est familiale, amicale et festive.

















La nuit est tombée. Attablé chez Patrick, j’ai commandé une bière, j’ai sorti ma carte du Sri Lanka, mon carnet et mon stylo et je visionne les photos du jour. Mon chicken fried rice (riz aux légumes et poulet) arrive, mon voyage commence !

Je prépare les derniers détails techniques et m’endors sans demander mon reste…
16/02/2015

Negombo – Kurunegala    Jour : 80 km   Total : 102 km
Nuit de plomb.
Non sans excitation, je quitte l’océan de bon matin, vent de face. La route serpente harmonieusement entre les palmiers.
La « Petite Musique de Nuit » de Mozart flotte ici ou là, un son strident qui annonce l’arrivée prochaine du tuktuk-boulangerie. Souvent,  je l’entends mais ne le vois pas.
Mes sensations sont bonnes lors de ces premiers tours de roue.
Des églises, des mosquées, des temples, des bouddhas… Des sourires, des bonjours, des pouces levés en guise d’encouragement. Visiblement, je ne passe pas inaperçu avec mes sacoches orange et je suscite une certaine forme de curiosité… Les tuktuks qui me doublent ont souvent un petit geste amical. Les nombreux chiens errants gisent parfois à même la route. Généralement, ils ne tournent même pas la tête à mon passage. Le serpent d’un mètre de long, écrasé au milieu de la chaussée ne réagit pas non plus.




Lorsque je m’arrête après 50 km parcourus, la chaleur est perceptible. Une chape de plomb, plus un souffle, je ruisselle.
Haruna tient la petite échoppe où je me repose. Il a travaillé durant des années, exposé aux produits chimiques, dans une usine en Corée du sud. Il en garde des séquelles et aspire, aujourd’hui, à une vie paisible.
J’arrive dans une circulation dense à Kurunegala.



Je trouve un hôtel pas cher mais le tenancier m’annonce qu’il ferme le lendemain matin à 5h30. Il m’explique alors que je serai à la porte avant le lever du jour. Autre option plus onéreuse, face au lac et pas d’urgence demain aux aurores.
Repos tranquille à l’ombre des arbres. Déjà 6 litres d’eau ingérés depuis ce matin.
Je n’ai pas mal aux jambes et ne me sens pas fatigué. Je passe donc l’après-midi entre le lac, repère discret des amoureux, et le centre ville,  poussiéreux, enfumé et assourdissant.
Je suis apostrophé de toutes parts : le vendeur de poissons qui m’offre de l’eau fraîche, le vendeur de noix coco, le vendeur de loto et les deux flics avec qui j’en partage une, deux ou trois tuktuks drivers, Nashanta, l’ouvrier qui doit restaurer, sans grande motivation, il faut l’avouer, une portion le long du lac… Ce dernier a travaillé sept années dans un restaurant italien à Dubaï. Comme je connais le coin, on en discute pendant une demi-heure. En se quittant, il me donne son numéro de téléphone et m’assure que je peux l’appeler 24h/24h en cas de problème.












Je retourne en ville pour déguster un Biryani en ne manquant pas, sur le chemin du retour, de partager une cigarette avec mon vendeur de poisson.
Le silence est monacal dans l'hôtel, je suis le seul client.   

17/02/2015

Kurunegala–Sigiriya    Jour : 82 km    Total : 184 km

7h15, la circulation est dense. Tuktuks, voitures, bus, vélos, piétons, motos, bus, voitures, chiens, vaches… La loi du plus fort est en vigueur, je ne pèse pas lourd. J’ai le choix entre les chiens du bas-côté et les bus pressés. Passage à niveau, barrière baissée. Le bazar est indescriptible. Je remonte à mes risques et périls la file de véhicules.
La route est en travaux sur de nombreuses portions. Elle se transforme alors en piste. Les camions-citernes arrosent sans modération le revêtement pour limiter la dispersion des poussières. Je suis donc couvert de boue. Il est étonnant de constater que les équipes de chantier sont constituées d’hommes et de femmes.
L’itinéraire est plus vert et plus vallonné qu’hier.


Première attaque de chien. Il surgit à mon passage tous crocs sortis et me poursuit en hurlant pendant une centaine de mètres.
Je n’ai pas prévu de m’arrêter avant Dambulla où se trouvent des grottes dans lesquelles sont sculptés de grands bouddhas (157 statues). Arrivé à l'étape, après 60 km, je retrouve cette chaleur pesante qui apparaît lorsque je ne pédale plus.




Je confie la surveillance de mon vélo à un agent de sécurité, il m’en coûtera 100 roupies (70 cts).
Je me dirige alors vers l’immense bouddha couvert d’or et entreprends l’ascension des 200 marches qui mènent aux grottes. Lieu de pèlerinage, intime et calfeutré, sombre et frais, assailli par des vagues intermittentes de touristes et de singes…

















Je retrouve avec soulagement mon vélo et constate avec inquiétude que le jeu de direction est complètement desserré. Les vibrations dues à l’état des routes en sont certainement responsables.
Atelier de réparation de cycles, quelques tours de clé allen et je repars de plus belle.



Une petite route me mène aux environs de Sigiriya . On m’indique une voie qui devient rapidement une piste inondée. Je ne croise plus personne, pas même un tuktuk. En fait, je crois que je suis perdu.


Intersection. A droite ou à gauche ? A droite. Quatre chiens à mes trousses, un sprint, ils ne lâchent pas prise. 100, 200, 300 mètres, je me retourne et pousse un hurlement à leur encontre, un hurlement puissant digne du plus agressif des chiens. Interloqués, ils coupent net leur effort, ce que je fais, essoufflé, quelques dizaines de mètres plus loin.
Je retrouve la direction de la ville que je convoite. Première chambre que l’on me propose, un matelas à même le sol, dans une chambre sans mur délimitée par des rideaux crasseux. Trois hôtels complets et enfin, une belle chambre dans une petit guesthouse calme et ombragée.
Je déjeune et me lance à l’assaut du rocher (370 m) qui abrite en son sommet des vestiges archéologiques d’une forteresse du 5ème siècle.


Je ne suis pas seul. Le promontoire est en effet un site majeur (classé à l’Unesco) du tourisme au Sri Lanka. En plus des visiteurs, singes et varans m’accompagnent. La chaleur est écrasante et la montée emprunte passerelles et escaliers vertigineux.















Je retourne à l’hôtel, vérifie les serrages du vélo, nettoie la boue et huile la chaîne.
La bière est servie ce soir dans une théière, il est en effet interdit ici (proximité des temples ?) d’en consommer. J’avais déjà vécu cette expérience amusante à Dharamsala en Inde.


Je trouve un pc pour sauvegarder mes photos et retrouve les quatre filles rencontrées dans l’avion pour dîner.

18/02/2015

Sigiriya – Kandy    Jour : 92 km    Total : 276 km

Mal dormi, départ tardif.
Je reprends la route inverse sur 9 km direction Kandy, direction plein sud.
La route est paisible, la lumière matinale est douce, quelques fumées d’encens viennent troubler l’horizon. L’heure est à la rentrée des classes. Des dizaines d’écoliers, vêtus de blanc, se pressent gaiement aux portails des écoles. Quelques kilomètres plus loin, c’est déjà l’heure de la prière collective ou des chants divers dans la cour.
Je me sens un peu fatigué. Par expérience, je sais que le troisième jour est toujours plus difficile. Mes jambes sont raides, le corps est las, ma pédale gauche craque… Je m’arrête à maintes reprises pour vérifier, resserrer mais rien n’y fait…
Petite pause face à un réparateur de tuktuks qui ne manque pas de traverser la route pour m’apporter une chaise.







Après une soixantaine de kilomètres parcourus dans la poussière jusqu’à Matale, je m’accorde une nouvelle pause. L’épicerie ne compte que deux bouteilles de soda que j’avale en deux gorgées. Encore une fois, la chaise ne se fait pas attendre. Le vendeur de l’échoppe voisine a lui aussi travaillé de nombreuses années à Dubaï. Échanges.
La circulation s’intensifie franchement. Les bus dominent le trafic. Ils ne cessent de klaxonner, ne freinent jamais lorsqu’ils sont lancés mais se déportent tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche. Ils freinent seulement lorsqu’ils ralentissent (sans même s’arrêter) pour prendre ou déposer des passagers. Par deux fois, les bus se rabattent et m’envoient dans le bas-côté.
Plus j’approche de Kandy, plus la circulation est dense. Une bonne côte de 2,5 kilomètres me donne une bonne suée. Les faubourgs de la cité sont indescriptibles, les codes n’existent plus, les véhicules vont et viennent dans toutes les directions, indifféremment sur la voie de gauche ou de droite.






Je déniche une petite chambre à moins de 10 euros. Honnêtement, elle n’en vaut pas le tiers. Chambre en sous-sol, sans fenêtre, à la propreté douteuse. Elle fera l’affaire…
Une plâtrée de pâtes et je me perds dans les ruelles de Kandy parsemées de plusieurs temples.









L’attraction de la cité, outre le paisible lac, est le Temple de la Dent , lieu vénéré par les bouddhistes car il renferme une relique d’une dent de bouddha. Il s’avère être une imposture touristique car on ne peut voir la dent qui, par ailleurs,  n’est qu’une copie. Hormis ce détail, les fidèles vêtus de blanc se pressent au milieu des fleurs, la foule est belle…











Promenade le long du lac, quelques courses.






J’hésitais à prendre une journée de repos à Kandy mais déjà, l’appel de la route me démange. Je partirai demain pour Nuwara Eliya.
Je retrouve à l’hôtel deux français rencontrés hier et deux allemands voyageant à vélo. Ces derniers projettent également de parcourir la même route  et s’interrogent autant que moi sur les reliefs qui nous attendent.
En effet, depuis mon arrivée au Sri Lanka, à chaque fois que j’annonce que je vais rejoindre Nuwara Eliya (1886 m d’altitude)  à vélo, les sri lankais me disent que je suis fou, qu’il s’agit d’une zone de montagne et que personne ne la parcourt à vélo. 75 km dont 50 d’ascension sont au programme…
Bref, s’il faut que je monte dans un camion, je le ferai.
Je règle mon réveil à 5h30.

19/02/2015

Kandy – Nuwara Eliya    Jour 75 km    Total : 351 km

C’est fait, j’ai rejoint, sur ma selle, Nuwara Eliya !
Je suis donc parti vers 6h15, accompagné des deux allemands. Petit résumé de ma promenade…
Nous sortons de Kandy (400 m d’altitude), il fait à peine jour et la ville se réveille à peine. Je hume avec plaisir les diverses fumées matinales transpercées par une douce lumière. Belle ambiance.
Pendant 20 kilomètres, la route est à peu près plate.
Mes compagnons d’échappée impriment un rythme soutenu. Pourtant, ils pédalent en sandales/chaussettes et ne semblent pas décidés à s’arrêter alors qu’un bruit anormal, sur l’un de leur vélo, se produit à chaque tour de roue. Je suis impressionné par tant d’aisance. Deux scénarii se profilent : ils sont très entraînés et j’aurai des difficultés à les suivre ou ils se brûleront les ailes.
La route s’élève peu à peu, je les distance, les attends, les distance à nouveau, je ne les reverrai jamais.
Il me reste une quarantaine de kilomètres d’ascension. J’ai adopté un rythme régulier, mes sensations sont bonnes, les paysages superbes.



Arrêt à Pusselawa. Les samosas sont spicy, very spicy mais la pause sur les marches d’une petite échoppe me requinque.
Les choses sérieuses commencent. La route s’élève avec insolence, les plantations de thé bordent le ruban d’asphalte, les femmes, courbées, ramassent inlassablement les précieuses feuilles. Lorsque leur sac déborde, elles l’emmènent à la pesée, promesse de quelques roupies gagnées à la sueur de leur front…







Certaines parties sont raides, parfois très raides. 10 km/h, puis 8 km/h. Bientôt 6 km/h, enfin 5 km/h . En dessous de cette vitesse, le vélo peine à garder son équilibre et mieux vaut marcher.
La chaleur est étouffante, la sueur me coule dans les yeux provoquant de pénibles picotements. Je vide les  bouteilles d’eau, de jus, de soda, les unes après les autres. Il m’arrive de boire 10 litres de liquide par jour depuis mon départ. Aujourd’hui, je bois encore davantage…
Je m’arrête sur le bord de la route. Une petite, très petite dame souhaite monter sur mon vélo.  Les tentatives sont vaines, la selle est sans doute trop haute…





60 km, 60,2 km, 60,3 km, 60,35 km… Les kilomètres à 6 km/h défilent à un rythme désespérément lent.


Un tuktuk me double et m’invite à m’accrocher. Je ne me fais pas prier pendant une cinquantaine de mètres avant de lâcher prise, honteux de ne pas gagner cette ville à la force des mollets et conscient du danger que cela peut représenter…
Le kilomètre 70 est franchi lorsque je passe sous une banderole. Je n’ai plus besoin de lever les yeux pour voir la route.  Cette dernière plonge dans la vallée. Un col, une banderole, une « victoire ».  Tous les ingrédients du Tour de France sont réunis, et, pour ma part, je viens de remporter la plus belle étape ! Plus sérieusement, je suis satisfait et soulagé de filer à toute allure vers Nuwara Eliya.


Chambre miteuse, prix dérisoire. Il est 12h30.
Nuwara Eliya est une petite station d’altitude, entourée de plantations de thé, adoptant quelques détails "so british". Le golf, par exemple, dénote avec le centre-ville typiquement sri lankais.
Je déjeune, je me repose dans le joli Parc Victoria, je prends des photos dans le bazar, je bois un petit café crème, j’ai mal aux jambes.
















Petit pull ce soir, nous sommes à 1886 mètres d’altitude.

20/02/2015

Nuwara Eliya - Ella    Jour : 58 km    Total : 409 km

Mauvaise nuit, je suis crevé.
Je décolle vers 7h30. Il fait un froid glacial, je grelotte dans mes manches courtes.
La route descend en pente douce au travers de paysages verdoyants. Comme chaque jour, je m’enchante du réveil de la rue : balayeurs, écoliers, fidèles, commerçants… Au ralenti, la journée se met en marche.




A la faveur d’un virage, la vue s’étend sans la limite et la chaleur fait subitement son apparition.



Je n’ai pas pris le temps d’étudier la carte. Je tâtonne, je doute, j’interroge les passants.
A welimada, je retrouve ma position sur ma carte. C’est également dans cette ville qu’un virage à droite met un terme à des kilomètres de descente et annonce des kilomètres d’ascension. La pente est douce, la route étroite et calme, les rizières et plantations de thé qui la bordent me comblent… Quel bonheur !


Bandarawala est une ville sri lankaise, à savoir poussière, circulation impossible et toutes sortes de boutiques.


Petite pause samosa et je repars pour 7 km de descente.



La route qui mène à Ella est défoncée, criblée de nids de poules et s’élève en traversant les plantations de thé.





Il est 11h00, j’ai tout l’après-midi pour me reposer d’autant plus que le bourg, qui n’est qu’une succession d’hôtels et de restaurants, n’a guère à offrir au visiteur. Les environs sont néanmoins superbes.
Repos, lessive, hydratation et discussions.





Je repars demain.

21/02/2015

Ella – Tissamaharama    Jour : 102 km    Total 511 km

Ils sont tous avec manteau et bonnet. Le patron de la guesthouse m’avait prévenu: "le matin, il fait froid à Ella". A vue de nez, il doit faire 18°c, je m’en remettrai !
Le revêtement est exécrable, la pente raide. Généralement, les descentes me permettent de me reposer mais les trois premiers kilomètres de la journée mettent à rude épreuve mes nerfs et mes patins de frein qui fument littéralement, tant je les sollicite. Les jantes sont bouillantes, je crains que les pneus n’explosent. Je fais quelques arrêts pour leur permettre de refroidir. Un comble  !


La qualité de la route s’améliore, je dévale la montagnes à près de 60 km/h, et, lentement, discrètement, sans m’en rendre compte, je gagne la plaine.


Une petite piste s’enfuit vers l’ouest, peu après Wellawaya. Au bout du chemin, au bout du monde, se trouvent les bouddhas de Buduruwagala . L’itinéraire qui y mène traverse des plantations verdoyantes et des étangs peuplés d’oiseaux et de varans.





Le site est aussi inattendu qu’impressionnant. Un immense rocher (20 m x 100 m) dans lequel sont sculptés des bouddhas monumentaux (9ème siècle ), le tout, dissimulé dans un bois. Un mélange d’Abu Simbel et des regrettés bouddhas de Bamiyan.
Lorsque j’arrive, je suis seul. Trois français me rejoignent. Nous quittons les lieux avant qu’un bus de touristes sri lankais n’arrive. Les lieux se dévoilent lorsqu’on profite du privilège de la solitude.











Je pars au bon moment…
Alors que je sirote un jus de banane à proximité du site, des militaires armés en entraînement surgissent. Ils sont près d’une centaine, empruntent la piste et disparaissent au prochain virage.



Je me remets en selle, et,  au milieu de la chaussée, j’aperçois une masse sombre. Suffisamment proche, je distingue un militaire, seul, couché à même le sol. A mon passage, des dizaines de soldats armés sortent des fossés en hurlant. Quelques uns empoignent l’homme à terre et le traînent à l’abri. Je passe stupéfait au milieu de ce vacarme. Lorsque je m’éloigne, les cris continuent et des coups de feu se font entendre (à blanc j’imagine…). Je pense à ce moment-là : « Eh les gars, il y a des endroits pour faire ça, on est sur la voie publique ! »
Je retrouve satisfait l’A2, direction plein sud. Je roule à 26/27 km/h, je vole presque. J’aperçois un grand nombre de varans traversant la route.
Après 70 km, je m’arrête déjeuner dans une cabane de bord de route. Aussitôt, les enfants prennent mon vélo d’assaut et insistent pour être pris en photo devant. Pour 150 rs (1 euro), on me sert une grande assiette. Je ne reconnais aucun des ingrédients hormis le riz et le poisson. Un délice, épicé et inconnu.





Je repars pour la trentaine de kilomètres qu’il me reste à parcourir.
Un délice inconnu mais surtout épicé ! En plus d’avoir les jambes et les bras en feu, j’ai désormais tout l’appareil digestif en combustion par 35°c à l’ombre…
J’atteins Tissamaharama vers 13h30 .


Je négocie avec patience et pugnacité un lit que j’obtiens avec une bonne réduction. Conséquence : j’ai une belle chambre spacieuse et propre, avec eau chaude et donnant sur un joli jardin ombragé. Je vais donc y rester deux nuits, j’ai quelques lieux à visiter dans les environs.
Je me repose une bonne heure puis pars en direction du grand Dagoba blanc (stupa) visible de tous les environs. Haut de 55,80 m, il attire, tel un phare, les nombreux fidèles.






A proximité du dagoba, des canaux louvoient entre la route et les rizières. Ces derniers sont assaillis par les sri lankais : baignades et bain pour échapper à la forte chaleur qui sévit dans l’après-midi.  Me voyant passer avec mon appareil photo, certains insistent pour que je prenne des clichés. Ce sont des scènes de joie, de liesse auxquelles j’assiste. Une ambiance paisible et rieuse…  











A l’hôtel, Lakshita me prête son pc afin que je sauvegarde mes photos.

22/02/2015

Tissamaharama – Katagarama – Kirinda – Tissamaharama    Jour : 62 km    Total 573 km

Non pas "jour de repos" mais "jour de non-progression".
Je désire ce matin assister à une Puja (cérémonie d’offrandes) dans un grand temple bouddhiste de Katagarama. 16 km me séparent de cette ville, distance que je parcours allégé (sans sacoche). Muznae, tient une petite boutique située face à l’entrée du temple. Il me garde mon vélo le temps de la visite.


Après m’être déchaussé, c’est un festival de couleurs et d’odeurs.



Ici, ce sont des noix de coco enflammées que l’on fracasse contre le sol, là, ce sont des dizaines de fidèles qui attendent avec des corbeilles remplies de fruits. Tous attendent 10h30, l’heure à laquelle la cérémonie doit commencer. A l’heure dite, des hommes en blanc apparaissent. Je ne connais rien des codes et du rituel, je n’en serai donc pas un témoin précis. Mais ce que je vois me plaît et les fidèles n’en manquent pas une miette.
































A l’entrée du temple, un homme possédant une petite balance me propose de me peser. Je me déleste de mon appareil photo et de ma bouteille d’eau. 4,5 kg de plus que le jour de mon départ ! Ça vaut bien la peine de pédaler tous les jours ! (Balance défectueuse, j’en suis certain, je l'espère...)
Je retourne déjeuner à Tissa.
Dans l’après-midi, je me dirige vers Kirinda, petit bourg en bordure de mer, dominé par un immense bouddha orange.


Après avoir fait un détour par la plage 100% sri lankaise, je laisse à nouveau mon vélo dans la boutique d’une petite dame souriante et je me hisse jusqu’au temple. Le temps est menaçant, je ne traîne pas.









Je parcours les 10 km du retour accompagné d’un motocycliste qui me bombarde de questions. Une fois que sa liste est épuisée, il disparaît subitement.

23/02/2015

Tissamaharama – Tangalle    Jour : 80 km (72 + 8)    Total : 653 km

Le vent est favorable. A partir de Hambantota, j’ai même le droit à une route à doubles voies désertes. Je file.


Retour sur des route plus étroites. J’aimerais prendre un itinéraire qui borde la mer. Après plusieurs recherches et témoignages, il n’existe malheureusement pas. Je longe donc la côte sans jamais la voir.




Encore une attaque de chien.
J’arrive à Tangalle et retrouve avec plaisir une petite chambre sordide avec un lit sans drap. La moustiquaire est criblée de trous, le ventilateur ronfle , craque et couine, les deux lézards qui occupaient la chambre avant moi ne semblent pas décider à quitter les lieux… Cette piaule est néanmoins bien placée, au rez-de-chaussée, juste en face de la plage, ce qui signifie qu’en cas de tsunami, je n’ai aucune chance.






Je déjeune face à l’océan, change de l’argent et retourne à l’hôtel. Déjà, le ciel se voile...





C’est le moment idéal choisi par les nuages menaçants pour déverser leurs millions de litres d’eau. Je suis au sec et attends que le déluge cesse.
A peine une heure de pluie et je repars à vélo explorer les environs.
Je rencontre Tony, pêcheur qui a perdu toute sa famille lors du tsunami de 2004. Il propose de m’emmener en mer avec son équipe. Départ le lendemain à 2h00 du matin. Je décline. Il m’invite alors sur son bateau pour m’expliquer son travail, me présenter à ses coéquipiers et me faire visiter son embarcation. Les thons et les espadons qu’il pêche sont envoyés au Japon. Achetés 10 euros le kilo, ils y sont revendus une fortune.











Je récupère mon vélo gardé par deux de ses amis et reprends ma promenade



Je croise par hasard les français rencontrés aux bouddhas de Buduruwagala et deux allemands avec qui j’avais discuté à Tissa. Les retrouvailles sont amicales, ils m’ont aperçu sur la route.
Je dois être le seul à ne pas me baigner ici. Je préfère me perdre et photographier.


24/02/2015

Tangalle-Mirissa    Jour : 81 km (53 + 28)    Total : 734 km

Je crois que je commence à comprendre les chiens sri lankais. Encore deux attaques ce matin.
Un chien est susceptible de m’attaquer lorsqu’il est laid (ce n’est pas rationnel mais c’est observé), lorsqu’il vit à la campagne, lorsqu’il n’y a pas de circulation, lorsque le jour se lève (il n’est pas encore abattu par la chaleur).
Dans la fraîcheur  matinale, j’ai donc traversé des campagnes sur des routes peu passantes. J’y ai croisé des chiens laids qui n’ont pas manqué de me courir après…







J’arrive à Mirissa après 53 km.


Mirissa est une plage paradisiaque. Les touristes se prélassent sur les chaises longues posées à même le sable, les restaurants proposent des cartes internationales et diffusent sans retenue les musiques actuelles. Trop de monde pour moi, je poursuis la route qui mène à Weligama. Entre ces deux villes, un panneau indique une petite guesthouse sur la gauche. Abritée à l’ombre des palmiers, l’imposante bâtisse m’offre, pour une dizaine d’euros, une chambre vaste et bien tenue donnant sur un petit jardin. La plage, accessible par un sentier, est située à moins de 50 mètres. La plage est paradisiaque car hormis le cadre exceptionnel, elle est déserte !





J’enfourche mon vélo, fais une halte animée au petit port de pêche et déjeune à Mirissa sur un joli bout de plage bondé.












Je prends ensuite la direction de Weligama (ouest) et découvre avec ravissement de jolies petites criques préservées, des bateaux peinturlurés et un stupa isolé.










Je retourne à l’hôtel et me laisse tenter par un bain de mer. Je n’allais pas quitter le Sri Lanka sans m’être trempé. D’autant plus que je transporte mon maillot de bain depuis 700 km. Il me faut donc l’utiliser… Eau à 27°c…





Les vaches arpentent la longue bande de sable sous le soleil couchant.



Je retrouve Alex, Clem, Johanna et Anaïs pour le dîner qui se prolonge en jeu de cartes.

25/02/2015

Mirissa-Hikkaduwa via Galle    Jour: 66 km (52 +14)    Total: 800 km

Départ pour Galle. La route est un enchantement : pêcheurs, cocotiers, sable blanc…







Galle.



Je passe à 9h00 l’imposante porte qui permet de passer au-delà des épais remparts édifiées par les hollandais au  17ème siècle. J’attache mon vélo en face d’un restaurant et laisse au restaurateur mes sacoches. Je pars donc à pied, sous une chaleur difficilement supportable.
Remparts, ruelles, églises, plages. L’image renvoyée n’est pas celle du Sri Lanka. La promenade est cependant agréable.
















Je discute une demi-heure avec quelques chauffeurs de tuktuks qui ont travaillé au Qatar, au Koweït, aux Emirats Arabes Unis … Le vendeur de tickets de loto vient troubler nos bavardages. L’un des chauffeurs en achète dix et me confie la responsabilité de les choisir à sa place. Il prend mon numéro de téléphone et m’assure qu’en cas de gain important, il me fait visiter le Sri Lanka gratuitement pendant un mois avec ma famille.



Apple pie salvateur à l’ombre d’une terrasse.
J’avais prévu de loger à Galle. A 12h00, j’ai fait le tour, je remonte donc sur ma selle sous un soleil de plomb. Le vent me pousse, il n’y a donc aucune ventilation.



J’atteins Hikkaduwa, je suis rincé, abattu par la chaleur. Trois hôtels complets.



Je trouve pour 2000rs une jolie petite chambre dans un jardin ombragé. 2h30 assis sur une chaise à récupérer. Mon organisme a été violenté.
Hikkaduwa est le repère des surfeurs, des mecs cools et chevelus marchant pieds nus. C’est ici aussi que tous les russes semblent s’être donnés rendez-vous. Les plages sont belles, sans plus. Elles sont surtout envahies par les restaurants et les bars. Je suis ravi d’apprendre que ce soir, comme tous les soirs, aura lieu une immense soirée beuverie sur la plage. L'israélien qui me donne le tuyau ne s'est visiblement pas remis de celle d'hier. A moins qu'il n'ait déjà commencé celle d'aujourd'hui...
Je me demande ce que je fais là, je dois être le seul à ne pas m’adonner aux joies de l’horizontalité balnéaire. A vrai dire, mon bronzage de cycliste dénoterait…
Je rencontre Malid  alors que je cherche le lac situé au sud de la ville. Le garçon de 14 ans me guide à vélo le long de la voie ferrée jusqu’à une petite crique. Des gamins immergés, en bonnet de bain, s’appliquent à reproduire les gestes élémentaires de natation. C’est là que Trisham, maître nageur, donne bénévolement des cours , ce qui ne l’empêche pas de les abandonner pendant 20 minutes pour me décrire avec précision ce qui borde et ceux qui peuplent le lac.




Quelques courses et je vais dîner alors qu’il n’est pas 18h00. Avantage de loger dans un haut lieu du tourisme : dévorer une pizza, idée qui me chatouillait depuis quelques jours déjà.



Si le vent ne change pas de sens, je l’aurai dans le dos jusqu’à Negombo.
Mon objectif demain est de contourner Colombo. La circulation dans la capitale est infernale. Je vais donc me déporter vers l’est sans m’approcher du centre ville. Je repère sur internet une chambre qui se trouve à peu près sur mon itinéraire prévisionnel. Je préfère la réserver tant les possibilités de logement sont rares dans les parages.

26/02/2015

Hikkaduwa – Maharagama    Jour : 117 km    Total : 917 km

Je quitte ma chambre à 7h30. Je ne trouve personne pour régler mon dû.  Le réceptionniste ronfle, allongé à même le sol, derrière son bureau.  Je laisse donc en évidence sur mon lit la somme correspondante et reprends la route. 2 km passés, je me dis que si les billets disparaissent, il me sera bien difficile de prouver ma bonne foi. J’ai déjà la moitié des chiens du pays à mes trousses, manquerait plus que la police suive ma trace.
Je remonte plein nord la côte sur une soixantaine de kilomètres. Quelques grands hôtels, des plages moins belles qu’au sud et une circulation qui s’intensifie à mesure que j’approche de la capitale.



Kalutara passée et après avoir connu quelques frayeurs avec des bus, je prends la clé des champs et emprunte une petite route sans circulation.
Je sens à nouveau l’odeur de la végétation, j’entends à nouveau les murmures, les cris et les chants qui s’échappent derrière les murs d’école.



J’avance rapidement, je repère avec attention ma progression sur la carte.
90ème kilomètre, je parviens à une intersection que je ne peux pas identifier. Je demande, on m’explique. S’en suivent près de deux heures de déroute en plein cagnard. A droite, à gauche, les avis divergent et chaque interlocuteur affirme avoir raison.
Heureusement que j’ai pris soin d'écrire l’adresse de mon logement, elle ne m’est cependant pas d’une grande utilité. Je suis perdu. Pourtant, l’orientation, je connais. Je ne m’explique pas cette perdition. Peut-être ces nouvelles routes ne sont-elles pas inscrites sur ma carte obsolète ?
Je décide de rouler jusqu’à atteindre un axe majeur. Je bifurque sur une route embouteillée, enfumée et assourdissante. La ville qui m’est annoncée se trouve à l’opposé de celle que je cherche.


Demi-tour pendant plusieurs kilomètres.
C’est alors qu’un chauffeur de tuktuk, me voyant inspecter avec minutie ma carte, me vient en aide. Je lui montre l’adresse. Sa maison est voisine de celle que je cherche. Il m’invite à le suivre. Je pédale comme un forcené pour ne pas perdre sa trace. Je suis abattu par la chaleur. A gauche, à droite, route principale, à droite, route secondaire, à droite, ruelle, à droite, impasse.
La maison tant convoitée n’a aucun panneau, aucune enseigne, aucun nom. Jamais je ne l'aurais trouvée seul. Le chauffeur de tuktuk sonne. Pas de réponse. Il insiste. Pas de réponse. Il crie, hurle, gesticule… Pas de réponse. Je doute.
Un tuktuk passe. Le mien l’apostrophe. Je ne cherche pas à comprendre comment et pourquoi le chauffeur providentiel possède le numéro de téléphone des propriétaires de la maison.
L’affaire est réglée, une minute passe et le portail s’ouvre. Délivrance, merci les gars ! Nanda et Theekshana m’accueillent avec gentillesse, douceur et un café dans leur superbe villa. Un havre de paix.


Quelques courses et repos bien mérité.

27/02/2015

Maharagama – Negombo    Jour : 86 km (74+12)    Total : 1003 km

Petit déjeuner "en famille".
La Main road est très encombrée. Les routes secondaires le sont tout autant. Peu à peu la circulation se dissipe.
A 20 km de l’arrivée, les nuages menaçants vers lesquels je me dirigeais déversent leurs flots avec une violence inouïe. Je suis à l’abri. Une demi-heure à patienter et je me remets en selle sous une pluie fine. Encore une demi-heure et les paysages, la chaussée et le cycliste que je suis sont secs.



J’entre dans Negombo. Je ne veux pas arriver. Je fais quelques détours, prends quelques photos. 
 





Vers 12h00, Patrick m’accueille enthousiaste. J’ai 991 km au compteur.


J’ai quelques courses à faire, quelques bricoles à ramener à mes enfants. Après un chopsuey avalé (dont seul Patrick a le secret), je retourne au centre ville.
Lorsque je rentre dans la cour de la guesthouse, j’ai 1003 km au compteur.
Je nettoie mon vélo, prends une douche.
Dernier coucher de soleil sur la plage, quel voyage !






























Panne d’électricité dans tout le quartier, la lumière s’éteint, clap de fin.

28/02/2015

10h00 d’escale à Riyad. En plus de mes quatre acolytes rencontrées à l’aller, je converse avec des dizaines de passagers.




01/03/2015

Bronzé,glacé et ahuri sur le trottoir du terminal 2C, j’attends mes parents. Retour à la maison.


2 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour cet article !
    Je pars au Sri Lanka en Mai, mais pas à vélo !
    Je me demandais s'il était facile de se déplacer sur place, sans chauffeur privé.
    Je souhaite bouger sur place et je ne trouve pas beaucoup d'infos sur les moyens de transport.

    MErci à vous

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  2. Merci Laurent pour votre passage !
    A vrai dire, je ne sais pas trop. Il y a beaucoup de bus publiques, j'ai rencontré un couple qui avait voyagé comme cela. Pas de tout repos mais faisable. C'est vrai que la plupart des touristes circulent avec chauffeur privé.
    N'hésitez pas si vous avez des questions. Bon voyage !

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