A 78° Nord, à
mi chemin entre le Pôle Nord et le Cercle polaire, se trouve le Spitsberg, un
archipel glacé sous tutelle norvégienne. Une banquise exceptionnellement peu
présente, des températures moins extrêmes que celles que j'avais imaginées, un
programme tronqué du fait des conditions météo, mais l'essentiel a été
préservé. Récit d'un raid à ski nordique sur une des terres aux plus hauts
degrés de la planète, une terre sauvegardée où l'immensité des lieux semble
appartenir à l'ours polaire, un milieu hostile et fascinant, découvert à ski
sous le soleil de minuit.
13/04/2006
08/04/2006
Le
voyage commence dès Ris Orangis, le moto-taxi m’attend à la
sortie de l’école, ma marge manœuvre est limitée... Je récupère
mon sac laissé deux jours plus tôt à Roissy. Je dois y retrouver
les autres membres du raid. Personne au rendez-vous. J’embarque
seul pour Oslo.
Pendant
que je récupère mes bagages, j’accoste un membre supposé de
l’équipée. Jean Pierre fait partie du groupe. Nous retrouvons
les autres ( Jean-Bernard, Gilles, Benoît et Samuel ) sur le quai de
la gare routière.
09/04/2006
Le
lendemain, Jean Bernard et moi visitons Oslo.
Oslo
est une ville calme, très calme. Peu de bruit, pas de vagues,
quelques jolies façades et de vieux gréements accostés au port.
Oslo
est réputée pour être une des villes les plus chères du monde...
A l'aéroport, nous salivons sur une pizza à 40 euros...
En
attendant l’embarquement, vers 16h00, un homme nous demande de
parler un peu moins fort (!) Escale à Tromso après avoir
survolé les fjords bordés de neige cotonneuse. Direction 78° nord,
Longyearbyen au Spitsberg. Une heure trente plus tard, nous
traversons l’épaisse couche de nuage et nous nous frayons un
passage le long du fjord enneigé.
A
l’aéroport, nous retrouvons notre accompagnateur, Tito, originaire
de Puno au Pérou.
Cet
hiver, fait exceptionnel, le fjord n’a pas gelé mais l’ambiance
est résolument polaire; une ancienne cité minière, coincée entre
des montagnes austères. 22h00, 23h00, 0h00, le ciel s’est
assombri, pas beaucoup plus.
Après
avoir dîné, je me couche impatienté par la suite.
10/04/2006
Lever
8h00, nous devons aujourd’hui préparer le matériel. Tito devait
arriver quatre jours plus tôt mais les grèves de SAS, l’ont fait
voyager dans le même avion que nous.
Nous
nous promenons en ville puis rentrons à pied à la guesthouse. Petit
passage à l’église qui surplombe la ville et le fjord.
Les
habitants sont armés et seule la porte de la banque impose aux
clients de déposer les armes avant d’entrer.
Sur
le retour, nous approchons des rennes à cinq mètres. En hiver, ils
perdent leurs bois et se parent d’une robe blanche.
Briefing
matériel pendant deux heures puis repas. Vers 23h00, la température
chute, le ciel se découvre.
11/04/2006
Lever
7h30, le ciel est bleu, balade en ville le long des fjords, l’air
est réchauffé par les rayons du soleil.
Nous
avons rendez-vous avec la chenillette à 18h00. Après une heure et
demie d’attente, la chenillette nous emmène pendant quatre heures
au travers de larges vallées, à destination de Templefjord.
Elle
nous dépose à 1H00 du matin et repart. Nous montons le camp dans un
décor surréaliste. Nous sommes au bord de la mer, nichés à l’abri
du vent au pied d’une corniche faisant face à des immensités
glacées qui paraissent sans limite. Des nuages noirs chapeautent
l’horizon.
Le
jour ne décline pas, nos paupières non plus… Nous nous couchons à
4h30.
12/04/2006
«
Un ours ! ».
Je
reconnais la voix de Tito, je me lève sur le champ sans même
enfiler ma doudoune ou les chaussons de mes chaussures. L’ours
est à 2OO mètres, il progresse lentement le long de l’eau.
Parfois il s’arrête, nous regarde, puis reprend sa marche pataude.
Après
une heure d’observation mutuelle, l’ours s’éloigne puis
disparaît. Nous partons aussitôt à la recherche de ses traces.
Je
constate avec effroi que l’ours a dormi à moins de cent cinquante
mètres de la tente… La taille du trou nous laisse jauger la
taille de la bête. Les vents soufflant dans sa direction, il semble
ne pas avoir senti notre présence.
Nous
prenons un bref petit déjeuner puis nous nous équipons pour
explorer plus en profondeur le fjord délimité par ces immenses
falaises et le glacier Van Post au fond. Nous partons à ski puis
tentons de trouver un passage pour accéder à la banquise.
Le
mouvement des marées casse la glace tout le long de la rive.
Nous
poursuivons enclavés entre ces immensités de glaces, de neige et de
roc. Parfois un cadavre d'oiseau soigneusement nettoyé nous informe
de la présence du renard polaire.
Enfin,
une coulée d’avalanche partie des corniches nous surplombant, nous
permet de prendre pied sur la banquise, nous posons le pied sur la
mer. Au fond, les glaces bleutées du glacier Van Post, miroitent au
soleil.
Nous
progressons vent de face puis faisons demi-tour, la neige est
mouillée, la progression est rendue plus difficile. Nous rentrons
face au soleil.
Il
est parfois difficile de se frayer un passage avec la pulka, les
blocs de glace, ralentissent parfois notre marche.
Les
phoques nous observent, je décide de m’en approcher, mais lorsque
j’arrive à vingt mètres, je me rends compte que j’ai perturbé
leur sieste, ils disparaissent aussitôt dans un trou dans la
banquise.
Les
traces régulières de l’ours sur la neige trahissent sa quête :
se nourrir de phoques, elles se dirigent vers les blocs de glace et
les trous, à la recherche de son déjeuner.
Ce
soir, la décision est prise, nous monterons la garde à tour de
rôle. Avec Jean-Bernard, nous devons assurer le créneau 5h30-7h00.
Nous nous couchons.
13/04/2006
5h30,
je prends mon tour de garde, tiraillé entre l’envie de revoir
l’ours et la crainte de le voir de trop près.
JB
s’endort dans la tente mess dès 5h15, je reste seul dehors ; petit
point isolé au milieu de l’immensité arctique avec le sentiment
d’être extérieur à tout ce qui se passe… Et pourtant, rien ne
se passe, pas de bruit, pas de vague, rien ni personne vient troubler
ma concentration…
Pas
d’ours… Je réveille JB et les suivants.
Réveil
à 11h30, nous nous équipons, démontons le camp et partons pour le
premier camp de notre raid, avec nos 200 kilos de matériel. Nous
distinguons la vallée dans laquelle nous devons bivouaquer, nous
distinguons également les lourds nuages noirs qui chapeautent cette
dernière.
Nous
traversons l’immense étendue glacée en bord de mer, le vent est
cinglant, mais nous l’avons dans le dos et progressons lentement
avec nos pulkas.
Nous
nous échangeons régulièrement les deux plus lourdes qui dépassent
les 50 kilos. Une fois lancés, pas de problèmes mais en cas
d’arrêt, la pulka colle à la neige et l’impulsion qu’il faut
donner pour mouvoir le traîneau est assez importante.
Un
col à passer, cent mètres de dénivelée, mes sensations sont
bonnes, ma préparation les semaines précédentes a payé…
Nous
ne sommes plus qu’à un kilomètre du camp, le vent forcit, il
neige et le passage que nous devions emprunter est impraticable : il
n’y a pas de banquise.
Vers
19h00, nous montons le camp, bien décidés à trouver un passage dès
le lendemain.
La
tempête forcit, nous dînons et nous nous couchons.
14/04/2006
Lever
10h30, il a neigé 15 cm dans la nuit, les tentes sont blanches, le
vent souffle et charrie des nuages de neige, les pulkas ont disparu.
Nous creusons trente centimètres pour qu’elles refassent surface.
Nous
partons en reconnaissance.
Le
passage est en devers, ponctué de cailloux mais majoritairement
glacé. Le risque, une glissade, emporté par la pulka jusque dans la
mer. Nous devons attendre que le vent cesse pour tenter d’y passer.
Nous
battons en retraite.
Retour
au camp, nous ne sommes pas contraints par la nuit, nous attendrons
une accalmie.
Pour
m’occuper, je creuse avec Benoît une grotte dans la corniche qui
surplombe le camp. Une grotte qui peut accueillir trois puis sept
personnes debout, avec bancs et vides poches… Les quantités
de neiges sont impressionnantes. Je déneige la tente. Les coups de
vents sont violents, nous dînons puis allons nous coucher.
15/04/2006
La
situation ne s’est pas arrangée, je déneige la tente, récupère
les pulkas sous cinquante nouveaux centimètres de neige puis nous
attendons. Une partie de la corniche est tombée, à coté de la
tente, certains ont entendu le bruit sourd provoqué par la chute de
plusieurs centaines de kilos de neige. Je décide de monter casser
les corniches au dessus du camp avant qu’elles ne deviennent trop
imposantes. Certains partent marcher un peu, je ne tiens plus en
place. A 20h00,il faut prendre une décision.
Soit
nous continuons, il faut partir tout de suite, nous aurons une
journée de retard. Soit nous rebroussons chemin et récupérons la
chenillette le lendemain au camp ou sont restés les membres de
l’autre groupe. Nous votons. Nous sommes deux à vouloir continuer,
ils sont quatre à vouloir rebrousser chemin. Je m’incline, déçu
de ne pas avoir à en découdre, j’avais espéré plus
d’engagement… Nous démontons le camp, creusons pour déneiger
les tentes et les pulkas, nous nous équipons et partons vers 21h30
sans que l’accalmie espérée n’ait eu lieu.
Au
programme : sept à huit heures de ski, vent de face et la neige qui
tombe à l’horizontal… Nous progressons face au vent, puis
arrivons au col. Avec ma petite pulka, pas de problème, la pente est
plus raide mais j’arrive assez rapidement en haut. Pour les plus
grosses pulka, c’est une autre affaire, nous devons nous y prendre
à deux, voire trois.
Une
pulka casse, Tito la répare en plein vent… Nous passons le col
vers 0h00 puis entamons la descente.
Nous
regagnons la mer, il neige encore plus fort, la visibilité réduite.
Tito
s’arrête, prend le fusil, donne le pistolet d’alarme à JB, je
m’équipe de mon stylo d’alarme.
A
deux cent mètres, un ours…
Nous
sommes vulnérables, la pulka ne nous donne qu’une marge de
manœuvre extrêmement limitée. Nous devons redoubler de vigilance.
Nous passons dans son champ olfactif, il se lève et nous suit. Je ne
le quitte pas des yeux. Nous nous arrêtons, il s’arrête, nous
repartons, il repart. Pendant de longues minutes, je fais abstraction
de tout, je ne me concentre que sur cette tache blanc cassé qui se
fond avec les reliefs glacés de la côte. Puis plus d’ours, plus
de vent, plus de neige… Nous venons de prendre pied dans la vallée
qui nous sépare du camp, nous sortons de la tourmente dans laquelle
nous étions depuis plus de cinquante heures.
Il
est 2h00 du matin.
L’instant
est mystérieux, notre progression lente mais le lieu inspire une
sérénité étonnante. Un monde en noir et blancs ou sept points
noirs avancent à pas de fourmis. Le camp est visible.
Quelqu’un y monte la garde.
3h30
passés, nous y parvenons, fatigués mais heureux, avec la sensation
« d’en revenir » sans savoir de quoi réellement. Mes pieds ont
macéré, ils sont criblés de crevasses… Nous montons le camp,
dégustons une petite tartiflette et allons nous coucher, il est
presque 5h00.
16/04/2006
La
chenillette est au rendez-vous, il est 14h00, nous quittons Temple
fjord, direction Longyearbyen.
Peu
avant d’atteindre la « ville », nous croisons le Prince Albert de
Monaco, escorté d’une vingtaine de motoneiges…
Douche,
et vêtements propres…
17/04/2006
18/04/2006
19/04/2006
Nous
partons pour remonter à ski le col de Longyearbyen, un col
surplombant le fjord.
700
mètres de dénivelée, six heures en aller et retour, un renne
croisé et un pique-nique au soleil pour clore le chapitre de
nos aventures arctiques…
Balade
en ville.
Départ
14h00 de Longyearbyen, survol des fjords enneigés, atterrissage à
Tromso.
Nouvelle
nuit à Oslo… Effectivement nouvelle nuit, nous revoyons depuis dix
jours l’obscurité de la nuit, mes paupières s’abaissent à
mesure que le soleil décline…
19/04/2006
Atterrissage
difficile à Paris , il est 10h20.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire